El Pola et Juan del Gastor : Bergerac, 4 août 2013

lundi 2 septembre 2013 par Claude Delmas

5ème Festival Flamenco Pourpre / Bergerac, du 2 au 4 août 2013

"Gastor et Pola"

Le cinquième festival Flamenco Pourpre de Bergerac (2 - 4 aout 2013) était parrainé par l’ invité de marque Juan del Gastor. Les manifestations ont également impliqué les compagnies Sabrina Le Guen, Lea Dequin Llinares Paca et Vicente Santiago, Blas Deleria et Ketema. Le festival a été porté par le Comité Départemental Dordogne de Flamenco.

Le temps s’ y prêtant, le festival se déroule dans une ambiance andalouse (scènes ouvertes, défilés colorés, casetas, spectacles nocturnes, etc.).
Le dimanche 4 août, concert à l’église Notre Dame : Antonio El Pola, pour le chant, et Juan del Gastor, à la guitare. L’église Notre Dame est comble, le public, fervent, est à l’écoute. Le dialogue du chant et de la guitare a lieu dans le chœur, à la frontière du transept. Le site est naturellement propice au sentiment et au recueillement. La connivence du guitariste avec El Pola est palpable, héritée il faut croire de l’oncle légendaire. Rappelons que les liens entre le flamenco d’ Utrera et celui de Morón ne datent pas d’ hier : Juan del Gastor semble être à El Pola, lui-même héritier du cante d’ Utrera, ce que fut longtemps Diego del Gastor pour les jeunes Fernanda et Bernarda, un accompagnateur attitré et un mentor.

Juan del Gastor est le nom de scène de Juan Gómez Amaya. Né à Morón de la Frontera en 1947, il est donc le neveu de l’exceptionnel guitariste Diego del Gastor, qui lui a enseigné l’accompagnement, et le frère cadet de Paco del Gastor (1947), qui a aussi été l’ un de ses maîtres. Très jeune, il fait ses débuts avec son oncle, lors de soirées ou de festivités. Après avoir formé un groupe qui joue plusieurs saisons à Valencia dans les années 1960 (avec Aurora Vargas, Jarrillo ou El Nano de Jerez, tout de même…), il est engagé au début des années 1970 au tablao madrilène Torres Bermejas, pour accompagner Miguel Vargas Jiménez "Bambino de Utrera", alors au sommet de sa carrière. Il participe naturellement aux stages et aux soirées épiques organisées à Morón par Donn E. Pohren, et se produit ensuite en des lieux divers, peñas andalouses, Biennale de Séville (1984, 2000, 2002, 2008), Festival Arte Flamenco de Mont-de-Marsan (2007)… Il a accompagné des chanteurs de renom (Manolito de María, Juan Talega, Anzonini del Puerto, Joselero, Fernandillo de Morón, Perrate de Utrera, Fernanda et Bernarda de Utrera, Miguel Funi…). Il a par ailleurs animé des ateliers dans des universités américaines (Santa Cruz, Berkeley).

Antonio Urbán Ruger "El Pola" est né en 1974 à Cañada Rosal, village de la campagne sévillane, près d’ Ecija. Son père y animait une peña, ce qui l’ a exposé au cante depuis son plus jeune âge. Il apprend la guitare et le chant, mais arrivé à Séville, c’ est dans le domaine du chant qu’ il se perfectionne. Il fait donc ses débuts de chanteur à la Carbonería, où il passe quatre années et travaille avec Paco Lira. C’ est encore à Séville qu’ il fait la rencontre d’ artistes tels que Juan del Gastor, Juan El Camas et d’ autres, qui lui font découvrir divers aspects du cante. Par la suite, il fréquente "presque tous les tablaos du monde, de New York à Tokio". Ses références sont alors " le cante d’ Utrera et la guitare de Diego del Gastor". Il partage alors l’ expérience d’ artistes dont il aime profondément le style et qui deviennent pour lui des références. Il évoque son expérience très formatrice de palmero avec Miguel El Funi. Quant au chant à strictement parler, il déclare "tout devoir à Gaspar de Utrera". Il se produit ensuite au Corral de la Morería, où il dit avoir encore appris. Il compose et chante un album intitulé "Tierra de Esperanza" (2002), pour lequel Antonio Moya l’ accompagne à la guitare. Il a été invité à animer des ateliers aux Etats-Unis (New York, 2008, entre autres). Son affinité pour un accompagnement du type "gastorien" explique sa grande connivence avec Juan.

Programme :

Soleares, 15 minutes : elles débutent de manière sobre et classique, puis passés les motifs attendus, la guitare propose quelques broderies de plus en plus ornées. Le chant trouve lui-même plus de force en fin d’ intervention. Il est soutenu avec efficacité par un accompagnement à la signature discrètement typique du style del Gastor.

Malagueña de Manuel de Torres, 8 minutes : très élégante, une apparente simplicité qui encourage le chanteur. La ligne mélodique légèrement récitative au début gagne progressivement en puissance.

Tientos - Tangos, 7 minutes : on retrouve une sobriété classique pour la guitare, toujours discrètement réminiscente de Diego. Le dessin monte en finesse jusqu’ à la rupture, une culmination liée à l’ utilisation saillante de l’ alzapúa et du buté : moments de robustesse suivis de broderies élégantes. Le guitariste offre l’ image du tranquille contrôleur du compás.

Cantiñas de Cádiz, 10 minutes : l’ introduction de la guitare est à la fois impeccablement rythmée et fleurie, très enlevée. Le battement métronomique du pied est efficace pour le cadrage rythmique qui inspire le chanteur, ainsi que pour le public.

Siguiryas, 10 minutes : le discours se complexifie après une introduction classique. La voix et la gestuelle du chanteur gagnent en force. Le chanteur offre alors ses cantes "por Siguirya" avec cœur et sentiment : moments de puissance et de réussite.

"Cantecito" por Bulería, 10 minutes : la guitare présente une très belle entrée, un bouquet mélodique dans le plus pur style de Morón. Le public apprécie également les repères rythmiques appuyés. La guitare, brillante d’ abord, semble se faire plus protectrice.

Le public, très attentif et enthousiaste manifeste son plaisir par des applaudissements nourris. Il est à souhaiter que la ville de Bergerac renouvelle une telle expérience.

Claude Delmas

Photos : Claude Delmas

Références :

https://sites.google.com/site/elpolacantaorflamenco/

http://flamencoromantico.com/FlamencoFromSpain.html

El flamenco según El Pola, cantaor de Corral de la Morería : ww.corraldelamoreria.com/blog/2013/08/27/el-flamenco-segun-el-pola-cantaor-de-corral-de-la-moreria/

Claude Worms, 2008, Diego del Gastor, étude de style, Paris, Play Music Publishing.





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