jeudi 17 novembre 2016 par Claude Worms
Longtemps considérée comme marginale, récréative et pour tout dire tout juste bonne à chauffer l’ambiance d’une "fin de fiesta", la bulería est devenue le symbole universel du flamenco et de ses multiples expériences de "fusion", de la musique baroque (jácara por bulería) au funk (Ojos de Brujo)...
José García Ramos (1852 - 1912) : "Un baile por bulería" (1884) - Museo de Bellas Artes de Sevilla
NB : sur la base du titre de ce tableau, on a longtemps situé l’apparition des bulerías dans le répertoire flamenco dans le dernier tiers du XIX siècle. En fait, l’oeuvre aurait été rebaptisée longtemps après sa création. Dans le numéro du 1er janvier 1953 de la revue ABC, on en trouve une reproduction titrée "El tango" dans un article de Manuel Olmedo, intitulé "El mundo artístico hispalense en 1952". Nous devons cette information à un article de Guillermo Castro Buendía ("El término "bulería" en el flamenco") publié par la revue en ligne Sinfonia Virtual - vous en trouverez le lien ci-dessous (chapitre II)
John Singer Sargent : "Jaleo" - Isabella Stewart Gardner Museum, Boston
I) Le (les) compás de la bulería
Les formes soleá ou siguiriya sont définies à la fois par un compás métrico-rythmique (cycle de x temps avec un ou plusieurs systèmes d’accentuation obligés) et par des séquences harmoniques et des compositions mélodiques qui lui sont associées. Rien de tel pour la bulería : dès leur apparition dans la discographie flamenca (1910), les bulerías adoptent indifféremment les modes flamencos sur Mi ou sur La, et leurs tonalités majeures et mineures homonymes respectives - sans compter, depuis les années 1970 - 1980, les compositions pour guitare soliste "por granaína", "por taranta", "por minera", "por rondeña", voire en mode flamenco sur Do, Ré, Ré#... Quant aux modèles mélodiques, nous verrons qu’il existe des "fandangos por bulerías", des "siguiriyas por bulería"... et de multiples adaptations "por bulería" de chants folkloriques (villancicos par exemple) et de chansons de variété, entre autres andalouses ou latino-américaines (Chano Lobato nous a légué quelques succulentes versions du "Volver" de Carlos Gardel).
Bref, la bulería n’est donc pas un "palo" au sens habituel du terme, mais plutôt un support rythmique, comme la rumba ou le rythme "abandolao". C’est pourquoi nous commencerons cet article par une rapide description des cycles métrico-rythmiques associés à la bulería, tels qu’ils existent actuellement. Pour cela, nous utiliserons une partition pour guitare qui nous semble assez bien résumer l’affaire (nous n’étudierons pas ici l’évolution du "toque por bulería", et notamment de la structure des falsetas, qui fera l’objet d’un autre article).
NB : la numérotation des compases fait référence à la partition. Pour chiffrer les temps du cycle, nous avons adopté le système traditionnel de 1 à 12, issu sans doute de la manière de compter les temps des soleares et des alegrías et cantiñas (notons que les flamencos comptent les temps 11 et 12 par "un y dos"). Les croix, sous la tablature, symbolisent la battue du pied.
3) compás "standard" : hémiole, c’est à dire alternance d’une mesure ternaire (6/8) et d’une mesure binaire (3/4) - un temps = une croche avec croche = croche. L’accord du premier degré est placé sur le premier temps du cycle (temps 12 : cf. ci-dessous, 5 et 6) ; l’accord du deuxième degré sur la première croche de la deuxième noire pointée (temps 3) ; retour au premier degré sur le premier temps de la mesure à 3/4 (temps 6 - plus rarement 8 ou 10). Fin du cycle au temps 10. Pour les bulerías en tonalités majeures ou mineures, c’est l’accord de V7 qui est placé sur le temps 3.
4) autre version du compás standard. Cette réalisation est apparue dans la discographie vers la fin des années 1920, et est devenue courante dans les années 1930. On pourra aussi trouver l’accord du deuxième degré, Bb (ou E7 pour les bulerías en La Majeur et La mineur) sur le temps 3.
5 et 6) "medios compases" binaires. Le procédé consiste à mettre en boucle la mesure à 3/4, soit les temps 6 à 11 du cycle. Dans ce cas, les temps 12 à 5, et 6 à 11, sont rythmiquement équivalents, quelque soit le nombre de medios compases joués. Le cycle peut donc conclure au temps 4 comme au temps 10 (c’est aussi le cas pour les falsetas). C’est pourquoi nous commençons chaque ligne de compás au temps 12, ce qui permet de nettement visualiser les medios compases, que nous séparons par des tirets. Une autre raison plaide pour un tel choix : nombre de compases en rasgueados (nous en avons déjà deux exemples avec 3 et 4) et de falsetas "por bulería" commencent au temps 12, ce qui n’arrive pratiquement jamais pour les soleares, les alegrías et les cantiñas, sauf pour de rares anacrouses - pour la bulería, les anacrouses, beaucoup plus fréquentes, portent précisément sur le temps 12.
Ce phrasé est caractéristique de la bulería de Morón de la Frontera (Diego del Gastor...), et fortement appuyé sur chaque battue du pied (chaque noire).
Notons enfin que l’introduction (1 et 2) est basée sur le même système, bien qu’elle s’inspire des introductions du Paco de Lucía des années 1970.
7 et 8) paseo binaire sur quatre medios compases : un accord par medio compás, séquence II - III (limité à la basse de Do...) - II - I. Le premier medio compás adopte le phrasé de Morón, alors que les suivants, avec une syncope fréquente sur la première double croche de chaque noire (sur la battue du pied), s’inspirent plutôt du phrasé de Jerez (Manuel Morao, Parrilla de Jerez, Paco Cepero, Moraíto...).
9 et 10 medios compases binaires, dans un phrasé typique de Jerez : à contretemps par rapport à la battue du pied sur la deuxième croche des deux premières noires de chaque medio compás.
11 et 12 alternance régulière 6/8 | 3/4, dans sa réalisation traditionnelle : répétition de la même liaison La-Sib sur chaque croche, le rythme n’étant marqué que par l’accentuation.
13 à 15) alternance régulière 6/8 | 3/4, dans un type de réalisation popularisée par Victor Monge "Serranito", Manolo Sanlúcar et Paco de Lucía dans les années 1970. On en trouvera quelques antécédents moins systématiques dans les enregistrements de Sabicas et de Mario Escudero.
16) compás conclusif ("de cierre") sur une séquence II - III - II - I, là encore dans le style du Paco de Lucía des années 1970.
17) restons avec le même guitariste, pour une réalisation semi-mélodique de 3 qui a fait école, et dont les innombrables variantes ont une fonction équivalente à celle de la "llamada" de la soleá - et la même structure : passage par le deuxième degré au temps 3, suivi d’un mouvement mélodique concluant sur le premier degré au temps 10.
18) "remate" binaire sur des renversements d’accords de septième diminuée, dans le style de Victor Monge "Serranito".
19 et 20) mise en boucle de la mesure à 6/8. Le medio compás ternaire est plus rare que le medio compás binaire, mais caractéristique du style des guitaristes de Grenade, et des groupes de "fusion" des années 1980 (Ketama...), bien qu’il renoue paradoxalement avec l’antique jaleo de la fin du XIXème siècle.
21) alternance 6/8 | 3/4, sur uneséquence VI - III - VIIm - I pratiquée dans les tablaos du monde entier pour signifier l’heure de la pause au bar. Sa structure est calquée sur celle des compases en rasgueados "por soleá" : début au temps 1, et temps forts marqués par l’interruption du mécanisme de rasgueado (termps 3, 6, 8 et 10).
NB : nous associons en général la bulería à l’alternance ternaire / binaire, souvent dans des réalisations proches de 3, 13 à 15, 16, 17 et 21, parce que c’est ce que nous entendons "à découvert", quand précisément il ne se passe rien et que le guitariste attend la suite des événements. Dès qu’il se passe quelque chose (chant, danse, falsetas...), ce sont les medios compases qui dominent, essentiellement binaires : il suffit pour s’en convaincre de regarder les pieds des guitaristes... A tel point qu’on peut considérer que pour la plupart des musiciens bien enracinés dans des écoles locales, à Morón, Jerez, Utrera et Lebrija notamment, la bulería se compte sur six temps, et non sur douze. Cette constatation est importante pour comprendre ses origines et son évolution. Mais auparavant...
"Jaleo de Cádiz" - gravure, XIX siècle
II) Un peu d’éthymologie
Dans une remarquable étude
(El término "bulería en el flamenco" - 18 juillet 2015), le musicologue Guillermo Castro Buendía retrace l’histoire du terme bulería dans la littérature et la musique espagnole. Nous nous permettons ici de résumer son article et de lui emprunter toutes les citations qui suivent.
Il semble que le mot burlería ait été utilisé dès le début du XVII siècle comme synonyme de duperie, escroquerie, mensonge... Il apparaît notamment , sans interruption jusqu’au milieu du XIX siècle, dans des pièces ou des récits burlesques, associé à des épisodes de joyeuses filouteries, perpétrées par des escrocs, des marginaux, des gitans... En 1847, burlería devient bulería dans un poème publié par la revue littéraire El Español :
Estuve yo en Gibrartá,
compare, una ve a cargá...
Esto sí que es valentía
y lo demás es bulería.
Le mot a sans doute été ensuite appliqué à des musiques festives, et de là aux fêtes elles-mêmes, comme ce fut le cas pour jaleo (puisqu’on y encourageait - jalear, les musiciens et danseurs), fandango, tango ou rumba.
L’auteur ajoute diverses citations attestant que le terme est toujours employé dans le même sens de duperie jusqu’au début du XX siècle. Mais il peut alors aussi renvoyer à des épisodes ou des personnages bouffons ou burlesques. Ainsi, le 4 septembre 1893, figure au sommaire du quotidien La correspondancia de España des coplas de quatre vers sur les aventures d’un torero nommé Curro Bulerías :
Era Curro Bulerías
un torero sevillano
con muchísima sandunga
y con mucho desparpajo
..........
Alegre saragatero
rumboso, barbián, simpático
galante con las mujeres
y con los amigos, franco
..........
Pero embustero,
y aún más que embustero,
exagerado de tal modo que no habría otro
con quien compararlo...
C’est ce qui amène Guillermo Castro Buendía à rapprocher la bulería de la chufla, un terme presque synonyme couramment employé pour désigner des interprétations musicales, ou des danses parodiques. "Chufla" peut suffire à désigner un chant, ou être accolé à un autre terme : par exemple, El Garrido de Jerez enregistre en 1908 des chuflas, mais aussi des "tangos por chufla". Le jaleo est lui aussi fréquemment associé à ce type de spectacle :
"En el circo Price se verificará hoy la penúltima función de la temporada a beneficio del popular clown Tony Gryce. El espectáculo sera muy entretenido, pues el aplaudido clown nos dará un programa muy variado. Entre otros números se ejecutará el denominado "Antoñita a caballo" y la "Zambra andaluza", en la que, en obsequio al beneficiado, tomará parte el famoso cantador Juan Breva, cantando y tocando jaleos andaluces que serán bailados por el beneficiado en traje de torero y el clown Honret vestido de jitana (sic)".
(La Iberia. Madrid, samedi 30 octobre 1880 - cité par Gonzalo Rojo Guerrero. cf. bibliographie).
Outre la parenté rythmique, et celle de certains de leurs modèles mélodiques, entre les rares chuflas et jaleos enregistrés par des chanteurs flamencos et les premières bulerías de la discographie (cf. ci-dessous), les trois mots semblent bien avoir souvent désigné les mêmes airs à danser, dans les mêmes contextes festifs. Les deux citations suivantes le montrent clairement pour les jaleos et les bulerías :
El Noticiero Sevillano, 23 avril 1902 :
Bautizo de una Gitana.
(...) en el segundo patio del edificio tuvo lugar la fiesta que se ha prolongado hasta las primeras horas de la madrugada. Hubo vino en abundancia, reinando entre los reunidos mucha alegría y entusiasmo. Varios gitanos y gitanas bailaron el jaleo y el tango, cantados por gente cañí, siendo extraordinariamente aplaudidos y recibiendo los artistas no pocas monedas (...).
El Liberal, 6 mars 1918
Desde Sanlúcar : Bautizo Extravagante – 24 horas de juerga.
El domingo tuvo lugar el bautizo de las dos criaturas que hace pocos días dio a luz en la playa una gitana. Desde temprano empezó el público a afluir a Bajo de Guía, donde a las ocho de la mañana había más de un millar de personas, empezando a dicha hora una fiesta puramente andaluza, corriendo el vino en abundancia. Al salir de Bajo de Guía esta carnavalesca comitiva se dispararon multitud de cohetes, dirigiéndose al templo parroquial por las principales calles de la población, en medio de un griterío ensordecedor y a los acordes de tangos, bulerías y demás números de música populachera (...).
A seize ans d’intervalle, le jaleo aurait-il fait place à la bulería, ou bien les mêmes chants, associés aux mêmes rythmes, auraient-ils simplement changé de nom ? Rappelons qu’entre temps, Pastora Pavón "Niña de los Peines" et Niño de Medina ont enregistré les premières bulerías de la discographie en 1910, suivis de près par Niño de la Matrona (Pepe de la Matrona) en 1911. Si l’on se réfère à la généalogie d’autres cantes, la deuxième hypothèse semble la plus probable. Soit que le passage du simple statut d’airs à danser à celui de chants à écouter pour eux-mêmes ait entraîné une nouvelle dénomination (c’est le cas, par exemple, pour le passage des fandangos verdiales de Málaga aux malagueñas de Juan Breva), soit que les labels discographiques de l’époque aient cherché à attirer leur clientèle par l’attrait de la nouveauté... ou pour ces deux raisons à la fois.
Il faudrait donc chercher les ancêtres de la bulería dans le réperoire des jaleos et des chuflas, ou peut-être même dans un passé plus lointain.
Gaspar Sanz : "Instrucción de música sobre la guitarra española" - première édition : 1674, Saragosse
III) Des jácaras aux jaleos
L’une des constantes de la musique espagnole, tant populaire que savante, est sa structuration par groupes de six temps - même si les partitions correspondantes sont écrites en 3/4, ou plus souvent en 3/8, les lignes mélodiques comme les harmonies explicites ou sous-jacentes induisent des regroupements par blocs de deux mesures. La version flamenca de ces cycles de six temps est souvent acéphale (silence sur le premier temps), comme on peut le constater avec les palmas de base accompagnant les fandangos ("abandolaos" ou de Huelva), ou encore les sevillanas. Il suffit d’en changer l’accentuation (sur le temps 3 puis sur les temps 2 et 4) pour obtenir l’hémiole 6/8 | 3/4, ou 6/4 | 3/2 (selon que un temps = une croche, ou une noire). Nous obtenons ainsi un compás de bulería, encore plus net si nous laissons en silence chaque temps fort (ex. 1).
La carrure harmonique vient parfois compliquer un peu le procédé, dans la mesure où elle peut ne pas être conforme au rythme "externe". C’est le cas pour les fandangos : à une battue du pied ternaire identique, nous constatons que les verdiales appliquent une carrure harmonique également ternaire (changements d’accord sur les temps 1 et 4) alors que les fandangos de Huelva lui appliquent une carrure harmonique binaire (changements d’accord sur les temps 1 et 5, soit 4 + 2, soit une mesure "interne" à 3/2) (ex. 2). Encore faudrait-il nuancer, car cette systématisation de la carrure harmonique n’existe que pour les versions flamencas de ces fandangos. Pour leurs versions folkloriques, on trouvera fréquemment des interpolations binaires, non systématiques, dans les verdiales, et ternaires dans les fandangos de Huelva - sur ce point, on consultera avec profit les transcriptions de Miguel Ángel Berlanga Fernández ("Bailes de candil andaluces y fiesta de verdiales. Otra visión de los fandangos" - Centro de Ediciones de la Diputación de Málaga, Málaga, 2000).
Un autre exemple de ces superpositions entre rythme externe et rythme harmonique permet de mieux comprendre la parenté entre le rythme "abandolao" et le medio compás binaire des bulerías. Si nous accentuons ce rythme de manière binaire, et si nous comptons les trois noires des verdiales à la croche (soit les six temps du medio compás), nous transformerons aisément
le "demi 6/4" de l’ "abandolao" en 3/4 de la bulería (temps 6 à 11 en boucle), et passerons ainsi au medio compás caractéristique des bulerías de Lebrija et Utrera, ou encore à celui du jaleo extremeño actuel - dans ce dernier cas, la parenté est encore plus nette, avec l’usage du "cierre" G - Gb - F - E des verdiales, conçu comme une sorte de "remate" sur deux medios compases (ex. 3 et 5). Les réalisations actuelles des rythmiques de guitare abandoladas se rapprochent encore plus des bulerías, à tel point qu’il est parfois difficile de distinguer les deux palos par le seul jeu de guitare (ex. 4).
On ne s’étonnera donc pas que les fandangos "abandolaos" por bulería abondent, ni que José Luis Montón ait inséré sans problème dans sa composition "Eco y vita" un fandango del Albaïcin (version Frasquito Yerbabuena) accompagné par une rythmique de verdial stricte.
José Salazar : rondeña et fandango de Lucena por bulería - guitare : Juan Habichuela et Anastasio Duque, 1969.
José Luis Montón : "Eco y vita" (bulería) - chant : Miguel de la Tolea, 2000.
Signalons au passage les limites des multiples "horloges flamencas" qui fleurissent depuis quelque temps : sur le cadran de l’horloge, marquons les accents 3, 6, 8, 10 et 12. Si je commence au 12, j’ai la bulería ou la guajira ; si je commence au 1, la soleá ou l’alegría ; si je commence au 8, la siguiriya ou la serrana. C’est certes un système élégant de description des compases externes, surtout si l’on y ajoute les mesures acéphales : sur le premier temps du 3/4 (ou du 6/8) : soleá ; sur la première noire du 3/4, ou du 3/2 : siguiriya.
Mais cette mécanique imparable nous semble faire bon marché de la pratique, en l’espèce de la carrure harmonique. Ce qui distingue le compás de la soleá de celui de la bulería n’est pas tant la mesure acéphale initiale, qui existe aussi dans nombre de falsetas por bulería, et certains compases en rasgueados (cf. chapitre 1, 11, 13, 21...), que le rythme harmonique. S’il coïncide bien avec les temps forts rythmiques pour la bulería, c’est rarement le cas pour la soleá, qui procède par groupes de trois temps à partir du temps 1. C’est cette carrure qui explique la localisation du début du compás de la soleá sur le temps 1 de l"horloge", et qui implique effectivement un rythme interne à 3/4 - mesure qu’il nous semble donc parfaitement légitime d’adopter pour transcrire les soleares (ou les alegrías), quitte à indiquer les accentuations en cas de besoin (ex. 6). On pourrait faire la même constatation pour la siguiriya (ex. 7), et la différence entre la guajira et la bulería repose également sur la carrure harmonique : pour la guajira V7 pour les deux noires pointées du 6/8 de l’hémiole, et I pour les trois noires de la partie 3/4 ; pour la bulería, I sur la première noire pointée du 6/8, V7 pour la deuxième noire pointée du 6/8 et I pour les trois noires du 3/4 (ex. 8 - pour faciliter la comparaison, nous avons écrit un compás de bulería en La Majeur, et non "por medio").
NB : Il n’y a donc pas un compás de bulería, mais trois : un cycle de six temps binaire (3/4), un cycle de 6 temps ternaire (6/8) et un cycle de 12 temps ternaire / binaire (6/8 + 3/4). L’absence d’hémiole régulière est une autre caractéristique qui distingue à notre avis la bulería des "palos" au sens strict du terme, tels par exemple la siguiriya ou la soleá - bien qu’il existe aussi pour cette dernière des constructions par medios compases de 6 temps, mais beaucoup plus rares et dépendants d’un contexte mélodico-harmonique précis (sans doute un vestige de l’époque où la soleá était en gestation, et encore peu distincte de certains jaleos).
Julián Arcas / Juan Parga
Les ancêtres lointains de la bulería doivent donc être recherchés dans les nombreux airs à danser (populaires ou stylisés), basés sur des hémioles, qui se succèdent en Espagne au gré des modes depuis au moins le XVI siècle : romanesca, sarabande, chaconne, cumbé, paracumbé, zarambeque... La jácara est sans doute la plus importante pour notre propos, tant par ses caractéristiques musicales que par sa persistance dans le répertoire populaire andalou jusque fort avant dans le XIX siècle. Il nous suffira d’un exemple emprunté à Gaspar Sanz pour nous en convaincre. Si nous restituons les barres de mesure de la partie en rasgueados en fonction de la carrure harmonique, nous obtenons une hémiole 6/4 | 3/2 identique à celle de la guajira ou de la bulería, avec y compris une première mesure acéphale. Mais le positionnement des accords est différent : I pour la mesure à 6/4 ; V - I - V pour chaque blanche de la mesure à 3/2. La guitare baroque ne possède que cinq cordes, avec un bourdon de La correspondant à la cinquième corde de la guitare actuelle - d’où la fréquence des compositions en Ré mineur et Ré Majeur, avec A(7) comme accord du cinquième degré. Remarquons au passage la cadence à la dominante F - C - Bb - A (III - VII - VI - V), qui est encore actuellement caractéristique d’un grand nombre d’accompagnement por bulería, si l’on en transpose les degrés au mode flamenco (VI - III - II - I "por medio").
Gaspar Sanz : Jácaras (1674) - guitare baroque : José Miguel Moreno / théorbe : Eligio Quintero
Des jácaras aux jaleos, en passant par les fandangos (début du XVIII siècle) et les tiranas (fin du XVIII siècle) - cf. les nombreux travaux sur ce sujet de Faustino Nuñez - les airs à danser populaires comportant des hémioles sont innombrables, dans les bailes de candil, les salones de baile, les cafés cantantes ou les scènes lyriques. Pour la seconde moitié du XIX siècle, nous disposons d’un corpus conséquent de jaleos composés ou transcrits par des musiciens "savants", presque invariablement notés en 3/8 : Isidoro Hernández, Buenaventura Iñiguez, Enriqueta V. de Doménech, Modesto et Vicente Romero, Jeronímo Giménez... sans compter les "étrangers" - le tchèque Skoczdopole, auteur du célèbre "Jaleo de Xeres", un hit européen ; le français Auber ; l’américain Fred Lyster.... Rien ne garantit que ces partitions soient conformes aux pratiques populaires, mais certains passages font irrésistiblement penser à quelques futurs palos. Les guitaristes-compositeurs ne furent pas en reste, notamment Tomás Damas, Julián Arcas et Juan Parga.
Guillermo Castro Buendía a récemment publié une pièce inédite de Julián Arcas, intitulée "Jaleo por punto de fandango" (cf. bibliographie, pages 555 à 560). Ecrite en 3/4, l’oeuvre oscille entre la tonalité de Ré mineur et notre actuel mode flamenco sur La ("por medio"). Pour la première page, si nous déplaçons les barres de mesure et ramenons le chiffrage des degrés au mode "por medio", nous trouverons successivement un medio compás por soleá IVm - I, un compás por soleá IVm - I, deux medios compases successifs VI - III, puis II - I (le tout en arpèges et indiqué comme "paseo") et une falseta mélodique (indiquée explicitement) por soleá. Le "rasgueado" (là encore indiqué explicitement) suit la carrure à 3/4, d’abord par une séquence IVm - I - IVm - A, puis par une séquence VI - II - I. Bref, une soleá por medio dans les règles, si l’on omet l’hésitation permanente entre la tonalité de Ré mineur et son mode flamenco relatif (sur La). Mais pour ce "rasgueado", la réalisation d’Alfredo Mesa, par ses choix de techniques de rasgueados, ses "golpes" et ses accentuations, tend à un découpage binaire de type fandango de Huelva (4 temps sur A + 2 temps sur Dm).
Julián Arcas : "Jaleo por punto de fandango" - guitare : Alfredo Mesa
Pour sa part, Juan Parga compose un "Polo gitano" (mode flamenco sur Mi et tonalité de La Majeur - le dernier accord de E étant utilisé comme dominante pour moduler en La Majeur)) dont la dernière partie est sous-titrée "Jaleo final (Panaderos)". Même si la partition est notée une fois de plus en 3/8, l’audition montre à l’évidence qu’il s’agit déjà de ce que les flamencos nommeront plus tard "alegría".
Juan Parga : "Polo gitano y Panaderos" opus 2, 1893 - guitare : Alfredo Mesa
Il semble donc que parmi les multiples jaleos composés à la fin du XIX siècle, se cachent les prémices de nos futurs fandangos "flamencos", soleares et alegrías. Les rares documents sonores dont nous disposons, de jaleos et de chuflas interprétés par des cantaores flamencos nous le confirmeront, et nous permettront d’ajouter les bulerías à notre liste.
Garrido de Jerez
1) Sebastían Muñoz "El Pena" : "chuflas del Pena", 1908 - guitare : Joaquín "hijo del Ciego"
Manolo Vargas : bulerías de Cádiz (cantiña de Vejer et tanguillo del Tío de la Tiza), 1952 - guitare : Rafael de Jerez "El Lápiz"
Le premier modèle mélodique chanté par El Pena ("Esta noche va a temblar...") correspond à ce qu’il est convenu d’appeler la "cantiña de Vejer". Elle deviendra plus tard l’un des standards des bulerías de Cádiz. L’accompagnement pourrait s’apparenter à notre actuelle guajira, mais on remarquera que le guitariste prolonge souvent l’accord de V7 (E7) jusqu’à la première noire du 3/4, et ne revient à l’accord de I que sur la deuxième noire du 3/4. L’accompagnement suit plus la ligne mélodique du chant qu’un schéma harmonique strict caractéristique d’un palo.
Quatre décennies plus tard, Manolo Vargas reprend ce standard lors d’un concours organisé à Cádiz en 1952, sur la letra "Plaza de la catedral...", et poursuit par l’adaptation por bulería d’un tanguillo composé au début du XX siècle par El Tío de la Tiza (un autre classique des bulerías de Cádiz).
2) Sebastián Muñoz "El Pena" : jaleo, 1907 - guitare : Joaquín "hijo del Ciego"
Cette fois, il s’agit à l’évidence de futurs cantes por alegría. L’accompagnement correspond au schéma habituel du jaleo : deux mesures à 3/4 (ou 3/8 selon le choix de transcription) V7 - I, qui, regroupées, forment un bloc ternaire à 6/4 (ou à 6/8). On peut cependant parfois entendre le passage à l’accord de V7 sur le troisième temps, caractéristique de la "llamada" des futures alegrías - d’autant que le chant progresse souvent sur des groupes de quatre mesures à 3/4, donc sur les fameux douze temps. La falseta de guitare, pour accompagner la danse, est déjà conforme à l’accompagnement des "escobillas" : 9 temps mélodiques + conclusion harmonique sur les temps 10 à 12, alternativement sur l’accord de V7 puis sur l’accord de I.
3) Garrido de Jerez : chufla, 1908 - guitare : Román
Bernarda de Utrera : bulerías (soleá de Frijones et fandango), 2005 - guitare : Antonio Moya et Pedro María Peña
L’accompagnement est strictement conforme à celui de la future guajira - V7 sur la mesure à 6/8 / I sur la mesure à 3/4. On remarquera la première version enregistrée du "Tápame" qui sera beaucoup plus tard popularisée por bulería par Pansequito, et à la fin de l’extrait le prototype de ce que nous nommons actuellement "bulerías cortas" de Jerez, en l’occurrence un modèle mélodique de soleá attribué à Frijones. Mais il est ici chanté en tonalité majeure, et non en mode flamenco : il suffit de quelques minimes retouches mélodiques pour passer du modal au tonal (cf : la version de La Bernarda de Utrera, parmi tant d’autres). Ce qui donne à réfléchir sur la genèse de certains modèles mélodiques du répertoire du cante : "modalisation" d’un contour mélodique tonal, ou "tonalisation" d’un contour mélodique modal ? La question peut se poser pour les binômes cabal (tonale) / siguiriya (modale - rappelons que la siguiriya attribuée à El Planeta, supposée la plus ancienne du corpus, est strictement tonale et peut parfaitement se contenter d’un accompagnement por guajira, en V7 - I alternés),
toná (tonale) / martinete (modal), ou sur l’énigmatique soleá de Carapiera, seul modèle mélodique tonal du corpus des soleares (existait-il d’abord un modèle mélodique similaire modal ?).
Pour les palmas, on remarquera l’apparition, encore aléatoire, de l’un des marquages actuels de la mesure à 6/8 des bulerías, avec des silences sur la première croche de chaque noire pointée, et un appui plus systématique sur chaque noire de la mesure à 3/4 (temps 6, 8 et 10 de la bulería).
Sebastián Muñoz "El Pena"
IV) Les trois premières bulerías enregistrées (1910 et 1911)
Niña de los Peines : bulerías, 1910 - guitare : Ramón Montoya
Niño de Medina : bulerías, 1910 - guitare : Ramón Montoya
Niño de la Matrona : bulerías, 1911 - guitariste anonyme
En 1910, Pastora Pavón "Niña de los Peines" enregistre avec Ramón Montoya la première "bulería" de la discographie flamenca - du moins dans l’état actuel de nos connaissances. La premier cante rappelle nettement les chuflas de El Pena, mais l’alternance constante entre cantes en tonalité majeure et cantes en mode flamenco est une nouveauté. Le guitariste alterne les deux dès l’introduction (majeure puis modale), ce qui restera longtemps un cliché des introductions por bulería. Même s’il lui arrive de jouer des compases 6/8 | 3/4, le groupe rythmique de base pour l’accompagnement est un medio compás binaire acéphale, tel que nous l’écrivons dans la dernière mesure de notre transcription. Comme pour les jaleos et les chuflas précédentes, il semble que Ramón Montoya suive intuitivement le phrasé de la cantaora, tout en s’efforçant de préserver la stabilité métrique de groupes de six temps (mais pas toujours...). Le compás de la bulería, au moins pour son hémiole régulière sur douze temps, attendra encore une vingtaine d’années (et la deuxième partie de notre article) pour être définitivement codifié.
Les mêmes remarques peuvent également s’appliquer à l’enregistrement de Niño de Medina, d’autant que l’accompagnement est à nouveau assuré par Ramón Montoya. La letra "Cuatro padres Francisco..." est devenue un classique du genre, que Chano Lobato affectionnait particulièrement.
Le guitariste anonyme qui accompagne Niño de la Matrona se contente lui aussi de répéter un medio compás binaire, phrasé de manière un peu différente - notons au passage la séquence VI - III - II - I dès l’introduction, particulièrement pertinente puisque cette fois tous les modèles mélodiques sont modaux.
Les enregistrements de la Niña de los Peines et de Niño de Medina comportent la même letra, chantée sur la même mélodie : "Yo nacía en Árgel...". José María Rodríguez de la Rosa "Niño de Medina" était né en 1875 à Arcos de la Frontera. Il était donc de quinze ans plus âgé que Pastora Pavón, née en 1890. De plus, les deux artistes ont longtemps habité la même rue Butrón, à Séville. Il est donc vraisemblable que la cantaora se soit inspirée de son aîné. Les deux sont d’ailleurs peut-être tributaires de Chiclanita, que la Niña de los Peines avait connu à Cádiz alors qu’elle avait 18 ans, et qui y chantait déjà ses propres "burlerías", selon le quotidien "Diario de Cádiz" du 20 juin 1908 (information publiée dans le même "Diario de Cádiz" du 5 juillet 2010 par Javier Osuna García, reprise par Guillermo Castro Buendía - cf. article cité ci-dessus).
Juan Mojama / El Mochuelo
Les jaleos, chuflas et bulerías semblent donc être de simples patrons rythmiques auxquels sont susceptibles d’être adaptés n’importe quels cantes flamencos, chants folkloriques, chansons de variété... Nous avons déjà pu écouter ce que nous pourrions nommer des alegrías et des cantiñas por chufla, ou des soleares por jaleo, qui toutes deviendront "por bulería". La théorie la plus communément admise consiste à supposer que les bulerías proviendraient d’une accélération finale de soleares (Jerez) ou de cantiñas (Cádiz). Il nous semble plus vraisemblable que leur genèse ait suivi le processus habituel que l’on rencontre par exemple pour les malagueñas : un ralentissement progressif du tempo, lié à un enrichissement des modèles mélodiques et de leur ornementation, menant des verdiales folkloriques aux malagueñas de Juan Breva, puis aux malagueñas d’ Enrique el Mellizo ou d’Antonio Chacón. Comme le stade intermédiaire des cantes "abandolaos" (type malagueñas de Juan Breva) a perduré jusqu’à nos jours, les bulerías auraient persisté dans leur être de stade intermédiaire entre certains jaleos et les alegrías et les soleares - l’objection chronologique tombe si l’on considère les premières bulerías comme des jaleos ou des chuflas rebaptisées. C’est ce que montrent les soleares suivies d’un jaleo similaire à celui d’El Pena enregistré à la fin du XIX siècle par El Mochuelo, comme, trente ans plus tard, les bulerías de Juan Mojama accompagnées par Ramón Montoya. L’introduction du guitariste tend vers l’alternance ternaire / binaire de la bulería "moderne", mais ses séquences en rasgueados commencent encore au temps 1 (première mesure acéphale calquée sur les palmas) ; le trait en picado conclut au temps 9 (trois mesures à 3/8), mais la reprise du rasgueado sur le temps 1 est initiée après deux temps en silence, soit en réalité sur le temps 12 (il manque donc un temps pour le trait en picado, ce qui serait actuellement considéré comme une faute de compás). Bref, Ramón Montoya hésite dans cette introduction, comme dans son accompagnement, entre l’ancien jaleo et le compás "standard" de la bulería qui est en passe d’être codifié, contrairement à ses cadets Manolo de Huelva et Niño Ricardo. L’héritage du jaleo et de la chufla restera vivant dans les bulerías postérieures. D’où la prédominance du simple cadre métrique de six temps (medio compás) et une extraordinaire plasticité qui permet de tout chanter, ou jouer por bulería (cf. l’album posthume de Paco de Lucía, "Canción andaluza"). Ce sera l’objet de la deuxième partie de cet article.
El Mochuelo : soleá et jaleo, fin du XIX siècle - guitare : Joaquín "El Feo"
Juan Mojama : bulerías, 1929 - guitare : Ramón Montoya
Claude Worms
Niño de la Matrona
Bibliographie
Castro Buendía, Guillermo : "Génesis musical del Cante Flamenco" - Libros con Duende, Séville, 2014
_ pour les jaleos : volume 1, pages 411 à 563
_ pour les chuflas et les bulerías : volume 2, pages 1331 à 1419
Rojo Guerrero, Gonzalo : "Juan Breva : vida y obra" - Servicio de Publicaciones de la Fundación Unicaja, Málaga, 2015
Références discographiques
Pour les enregistrements anciens, nous indiquons autant que possible les références originales et les dates de première édition. Mais il nous manque quelques informations. Avis aux lectrices et lecteurs qui pourraient nous venir en aide...
Gaspar Sanz : Jácara – "Instrucción de música sobre la guitarra española" (Saragoza, 1674) – José Miguel Moreno (guitare baroque) / Eligio Quintero (théorbe) (2000 & 2008, Glossa)
Julián Arcas : Jaleo por punto de Fandango (La phrygien / Ré mineur - ca 1875) – Alfredo Mesa (guitare) ("Guitarra preflamenca", 2016, CD autoproduit)
Juan Parga : Polo gitano y Panaderos (titré "Jaleo final"), opus 2, 1893 – Alfredo Mesa (guitare)
El Mochuelo : Soleá et Jaleo (fin des années 1890, cylindre) - guitare : Joaquín "El Feo" (édition CD : "Cilindros de cera", Calé Records, 2003)
Sebastián Muñoz "El Pena" : Chuflas del Pena (1908, Zonophone X-52323) – guitare : Joaquín hijo del Ciego
Sebastián Muñoz "El Pena" : Jaleo (1907, Zonophone X-52312) – guitare : Joaquín hijo del Ciego
Garrido de Jerez : Chufla ("Soy zapatero de viejo") (1908, Zonophone X-5-52008) – guitare : Román
Niña de los Peines : Bulerías ("Yo nací en Árgel") (1910, Zonophone X-5-53026) - guitare : Ramón Montoya
Niño de Medina : Bulerías (1910, Zonophone-552194) – guitare : Ramón Montoya
Niño de la Matrona : Bulerías (1911, Jumbo Records A-135045) – guitare : anonyme
Juan Mojama : Bulerías (1929, Gramófono AE 2499) - guitare : Ramón Montoya
Manolo Vargas : Bulerías (cantiña de Vejer et tanguillo del Tío de la Tiza) (1952, enregistrement live : finale du "I Concurso de Alegrías", Teatro Manuel de Falla, Cádiz)) - guitare : Rafael de Jerez "El Lápiz" (édition CD : "Cultura jonda 4. De Cádiz... aquella Venta de Vargas", Fonomusic, 1997)
José Salazar : bulerías (rondeña et Fandango de Lucena) ("Gitanos en fiesta. 1", 1969, EP Columbia PX-2010-AX) – guitare : Juan Habichuela et Anastasio Duque
José Luis Montón : "Eco y vita" (bulerías) ("Sin querer", 2000, Auvidis) – chant : Miguel de la Tolea / guitare et percussions : Lorenzo Virseda / basse : Bjorn Meyer
Bernarda de Utrera : Bulerías (soleá de Frijones et fandango) ("A Fernanda", 2005, Muxxic) – guitare : Antonio Moya et Pedro María Peña
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