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Blues et flamenco (6)

Les mots et la musique

mardi 26 janvier 2016 par Patrice Champarou

L’étymologie àpeu près certaine du mot « blues  » et l’origine très discutée du mot « flamenco  » présentent peu d’intérêt, ou relèvent de la pure curiosité linguistique si on se borne àles mentionner au passage, en suggérant que la musique se confond totalement avec le sens original du terme. Il conviendrait davantage de préciser les conditions dans lesquelles « blues  » et « flamenco  » se sont appliqués àl’expression artistique, sans oublier que chacun de ces mots a continué de désigner également une réalité psychologique ou sociale.

On sait que l’étrange pluriel « blues  » [1] correspond àune forme de mélancolie ou de dépression insidieuse, et bien qu’il tende aujourd’hui àexprimer l’essence même de la musique afro-américaine, il n’y avait au départ aucune raison pour qu’on nomme ainsi un quelconque type de chant.
L’usage de « flamenco  », en revanche, semble plus évident puisque ce nom (et adjectif) s’applique au départ àune population et, par extension, àla musique qui lui est associée... mais cette coïncidence mérite d’être nuancée.

A la fin du XIXe siècle, si on en croit Demófilo [2], le terme « Flamenco  » était strictement synonyme de « Gitan  ». L’auteur s’emploie d’ailleurs àaffirmer la démarcation ethnique du genre en adoptant pour ses transcriptions une orthographe aberrante, comme si les coplas étaient énoncées dans une langue différente de l’espagnol. On ne saurait lui reprocher cette démarche pour deux raisons : au XIXe siècle, la notion de « race  » était considérée comme une évidence scientifique indépendamment de tout jugement de valeur, et d’autre part, il était très louable de souligner l’importance de la prononciation dans un art de transmission orale. On peut toutefois regretter que cette confusion « phonético-orthographique  » rende certains textes difficilement compréhensibles
 [3].
Par ailleurs, de la même manière qu’aux Etats-Unis l’adjectif «  colored  » désignait globalement les « non-blancs  », et non exclusivement les Noirs, le terme « Gitans  » s’est appliqué indistinctement àune population perçue comme « Ã©trangère  », voire suspecte et potentiellement dangereuse en raison de son origine incertaine, de son mode de vie ou de son aspect physique (population également victime des rafles et discriminations, de ce que nous appellerions aujourd’hui le « délit de faciès  »). Enfin et surtout, au milieu de XIXe siècle (se reporter une fois encore àl’article de Claude Worms ) «  los Flamencos  » incluaient ceux qui imitaient les Gitans, leur parler, leur tenue vestimentaire etc. – un phénomène de mode probablement inconnu de notre éminent folkloriste, et par ailleurs totalement inimaginable aux Etats-Unis où, ségrégation oblige, l’intérêt marqué pour la « musique noire  » et la proximité entre musiciens noirs et blancs ne laissait aucune place àl’ambiguïté ethnique.
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Frankie Jaxon - Get The L On Down The Road

Par rapport aux notions affectives ou pseudo-ethniques qu’expriment, indépendamment de la musique, les mots « blues  » et « flamenco  », une étymologie incertaine est probablement plus proche de la réalité linguistique qu’une origine par trop évidente. Le blues ne se résume pas àl’expression d’un mal-être, et l’adjectif « flamenco  » englobe des connotations très diverses, des plus péjoratives aux plus respectables.
Après avoir écarté de possibles corruptions de mots et expressions arabes, et faute d’avoir découvert ou imaginé une lointaine étymologie tzigane (ou même orientale), les exégètes de «  flamenco  » ont décidé de s’en tenir aux racines latines et àl’espagnol. A commencer évidemment par le simple équivalent du mot "flamand" qui laisse la porte ouverte àdiverses explications, depuis le mercenaire de l’armée des Flandres jusqu’àl’échassier au plumage rose baptisé Phoenicopterus roseus.

Compte tenu de la réputation sulfureuse du flamenco, qui a incité Manuel de Falla àlui préférer l’expression cante jondo pour éviter d’alarmer les autorités accueillant le concours de Grenade en 1922, on ne peut totalement exclure la connotation crapuleuse que traduirait « flama  », désignant une arme blanche. Ni même, àl’opposé, la revendication de « Flamenco  » comme un titre de noblesse, par les familles gitanes « privilégiées  » qui ont été effectivement àl’origine de longues dynasties d’interprètes, se démarquant du bas peuple ou, plus simplement, de la suspicion qui entoure le mot « Gitan  ».
 [5]
Enfin, si le mot « flamenco  » s’est d’abord appliqué àl’ethnie gitane, il n’est pas interdit d’y voir une manifestation typique de l’humour andalou, une appellation dérisoire soulignant le contraste entre les caractéristiques morphologiques des Gitans et celle des « Flamands  » réputés blonds et longilignes.

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La désignation par antiphrase pourrait également concerner le blues, si l’on considère que la musique n’a pas pour vocation d’exprimer un malaise, mais au contraire de « chasser le cafard  » (« drive the blues away  »).
Sans aller jusqu’àlui prêter la fonction cathartique qu’on attribue quelquefois au flamenco, rappelons que nous avons affaire àune musique de divertissement, qui a gagné en gravité et en profondeur au cours de son développement, soit àpartir des années 1920. Au début du XXe siècle, la chanteuse « Ma  » Rainey [6] et son époux se présentaient sur scène comme les « Assassins du blues  », signifiant qu’ils entendaient divertir le public par leurs chants, leurs sketches et leurs chorégraphie, et non massacrer une musique qui, de fait, n’existait pas encore. [7]

Il faut admettre que nous ne connaitrons jamais la « vérité  » concernant la toute première association des mots « blues  » ou « flamenco  » àla musique… et que c’est sans importance. Les mots n’ont pas d’ADN propre, seule la mémoire collective décide de conserver ou non une trace de leur origine. Ainsi, il est très probable que « blues  » soit une contraction de l’expression « blue devils  », désignant la mauvaise humeur, puis un état dépressif, et enfin une crise de delirium tremens, mais il est tout aussi évident que ces « diables  » ont été refoulés àla frontière de l’usage populaire, et que toute assimilation du blues àune musique « satanique  » relève de la fantasmagorie ; bien que solidement ancrée dans l’imaginaire occidental, cette croyance résulte d’un amalgame entre les confusions de Robert Palmer [8], la fascination des Rolling Stones pour le diable [9] et le contresens déjàévoqué àpropos de l’expression « devil’s music  » [10].

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Skip James - Devil Got My Woman

Le mot « blues  » étant principalement synonyme de mélancolie, on imagine souvent que les premiers chants ont été ainsi nommés parce qu’il s’agissait effectivement des complaintes, ou parce que les étranges intervalles des mélodies afro-américaines donnaient aux observateurs occidentaux une sensation de tristesse. Certains auteurs ne se sont pas privés d’y voir un trait caractéristique de la musique noire dans son ensemble – qui leur permettait incidemment de remettre la période de l’esclavage sur la sellette :

« Les origines du blues résident dans les chants de travail des esclaves noirs américains, les spirituals et les chants de lamentation des plantations du Sud des Etats-Unis. Ces chants de lamentation/travail – c’est-à-dire, les blues – ont aidé les esclaves àsurvivre dans les conditions inhumaines et exceptionnelles de leur existence.  » [11]

W.C. Handy
W.C. Handy

Laissons W.C. Handy répondre par anticipation (soit en 1919) àce détournement de l’expression « sorrow songs  » (chants de lamentation), introduite par W.E.B. Du Bois pour désigner la musique religieuse afro-américaine :

« Les chants des esclaves exprimaient leur désolation davantage que leurs joies. Comme les larmes, elles apportaient un soulagement aux âmes en souffrance. Les sorrow songs des esclaves, nous les appelons Jubilee. La chanson joyeuse et insouciante des Noirs du Sud, nous l’appelons Blues.  » [12]

Ce que Handy appelle « blues  » ne s’inscrit donc pas dans la continuité d’une tradition, mais intervient comme une rupture avec le passé de l’esclavage ; de plus, le caractère « joyeux et insouciant  » de ces chants n’autorise aucune confusion avec les chants de travail « fonctionnels  » destinés àsoutenir un effort répétitif : il s’agit, tout au plus, de chants récréatifs interprétés dans un contexte de travail.

Ernest Stoneman - Lonesome Road Blues

Dans une interview accordée àAlan Lomax dix-neuf ans plus tard, Handy en donnera un aperçu sonore : mélodies sentimentales (Careless Love est connu comme un thème de jazz) ou fragments de ballades àla métrique très régulière, simplement mais clairement harmonisés [13], sans aucun rapport avec le « chant primitif africain  » qu’on imagine, et que personne, affirme Handy, n’appelait « blues  » avant qu’il ne revendique lui-même cette appellation – soit àpartir de 1912. [14]

A vrai dire, le « Père du blues  » autoproclamé n’a inventé ni la formule musicale, ni son association àla musique vernaculaire, mais il a été le premier àles exploiter de manière intensive sous le nom de « blues  ». Les premières traces effectives de blues sont soit des réminiscences difficiles àdater [15], soit des fragments de ragtime composés par des pianistes professionnels – voire des musiciens classiques. Sans prétendre trancher l’éternel débat entre folklore et musique savante, rappelons que le mot « blues  » était associé depuis le milieu du XIXe siècle àdiverses compositions, voire àdes marches militaires comme The Ginger Blues publié en 1876 par David Braham. Il n’est pas absurde d’imaginer que le pluriel agrammatical « The Blues  », encore utilisé de nos jours par des équipes sportives, des formations militaires ou des orchestres, ait d’abord fait référence à… la couleur des uniformes ! Handy s’amusait de cette coïncidence, mais le mot était certainement dans l’air du temps en 1912, puisque cette année verra naître successivement quatre compositions intitulées « blues  », parmi lesquelles figure son propre Memphis Blues, et dont la première (The Blues) n’avait de « blues  » que le nom. [16]

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Sr. Revuelta - Soleares

Si une telle confusion nous paraît inimaginable en ce qui concerne le flamenco, c’est probablement parce que la tradition a su non seulement codifier les structures et les rythmes, mais aussi, dès l’origine, nommer les différents «  palos  » en leur associant les noms « gitanisés  » des anciennes danses folkloriques. Le blues, au contraire, n’a jamais fait l’objet d’une véritable typologie, et peut-être est-ce l’une des raisons pour lesquelles ses aspects traditionnels se sont en grande partie perdus au cours de son évolution. Certains thèmes, peu nombreux, ont fait l’objet d’un copyright et correspondent donc àce qu’un flamenquiste appellerait non pas un « type de chant  », mais un « style  », associé au nom de son créateur... ou du premier interprète qui a pensé àdéposer le titre.

Grover Dickson - Grizzly Bear

L’absence de désignation ne prouve évidemment pas que la musique n’existait pas, et on peut tout-à-fait envisager qu’un genre musical ait commencé àprendre forme avant de recevoir un nom. C’est apparemment le cas de la complainte des levee camps que Lomax a décidé de baptiser holler [17], dont les caractéristiques musicales sont toutefois assez différentes de celles des blues. D’une manière générale, les similitudes partielles avec les chants de travail ou autres chants collectifs recueillis très tardivement n’impliquent aucune « filiation  » musicale.

I Got The Blues

S’il ne s’agit pas d’une imposture, le tout premier « blues  » comportant des strains de douze mesures et une mélodie qui jouait sur l’ambiguïté majeur/mineur pourrait être (I Got The Blues), un « rag au goà»t du jour  » composé 1908 par Anthony Maggio ; la ressemblance avec le style de Handy est toutefois troublante, et l’anecdote selon laquelle ce morceau aurait été inspiré par trois notes de guitare, inlassablement répétées par un « vieil homme  », qui aurait pensé àdonner un titre àcet embryon de ritournelle, laisse quelque peu sceptique ; dans tous les cas, elle n’a rien àvoir avec la légende d’une complainte exprimant les joies et les peines des travailleurs afro-américains, et cette composition demeurée sans suite n’autorisait pas Maggio àse déclarer àson tour « inventeur du blues  ». [18]

Memphis Blues

Nos amis musiciens de jazz répéteront que le blues n’est pas un rythme [19] mais une structure harmonique, et les folkloristes préciseront qu’il s’agit essentiellement d’une musique vocale… ce qui est devenu totalement vrai au fil du temps. Mais c’est d’abord comme musique de danse (un « slow fox-trot  », occasionnellement si « ralenti  » qu’il pourrait être àl’origine du slow tout court), et sous une forme purement instrumentale que le « blues  » se répandra dans tout le pays, y compris dans un milieu rural quelque peu réticent. [20]

Le « blues  » se démarquera du jazz en se débarrassant du « verse  » (couplet) [21] , et de conventions harmoniques telles que le cycle de quintes final. Musicalement et historiquement, on est en droit de considérer qu’il ne s’agit pas d’une structure « originelle  » que le jazz aurait enrichie, mais au contraire d’un motif simple qui s’est imposé comme le thème principal, dans un processus d’épuration de la musique populaire. En réalité, Blues et jazz sont restés longtemps synonymes, et de même que le ragtime ne se définissait que par ses syncopes, la nouvelle danse ne se caractérisait que par l’introduction d’une « note discordante  » censée reproduire les approximations du chant (voir l’article joint, Blues is Jazz and Jazz is Blues – 1915, dont une copie m’a été adressée il y a quelques années par Elijah Wald).

Dans le même temps, le mot « blues  » s’avérant aussi valorisant que « moderne  » et, il faut le dire, commercialement rentable, les chanteuses et animatrices qui évoluaient sur les scènes de vaudeville, dans les théâtres ou au sein de troupes ambulantes dotées d’une impressionnante logistique, précédemment baptisées « coon shouters  » (littéralement : « moricaudes hurleuses  »), se sont vues élevées par la presse au rang de « blues singers  » sans que cela modifie la diversité de leur répertoire. L’industrie du disque fera le reste en amorçant la période des chanteuses de blues « classique  » avec le «  hit  » de Mamie Smith, Crazy Blues, en 1920.

Ma Rainey’s Black Bottom

Faut-il s’étonner, ou même se choquer que le blues ait pris la forme d’un art vocal sur la scène des théâtres, que les vedettes comme Ma Rainey ou Bessie Smith y aient évoqué avec insistance leur « gros cul tout noir  » [22] ? Pas davantage, àmon avis, qu’il ne faut s’indigner des pitreries de Louis Armstrong, dont la popularité et, le cas échéant, les positions très fermes ont fait bien davantage pour la « cause noire  » que les vociférations des activistes qui l’ont traité d’Uncle Tom ! Tout comme la Niña de los peines, les « blues queens  » représentaient une image de réussite sociale àlaquelle le « peuple  » pouvait d’identifier, et la famille Pavón était très loin d’envisager l’avènement de l’opera flamenca comme une « corruption  » du genre.

Sam Butler - Devil and my Brown

Mais àde rares exceptions près, les blues interprétés par les innombrables chanteuses qui ouvraient le marché du disque àla clientèle noire des villes et des campagnes dans les années 1920 étaient l’œuvre de paroliers professionnels, comme le compositeur Perry Bradford. C’est seulement aux alentours de 1926, avec le succès des chanteurs et instrumentistes masculins, vedettes du disque comme Lemon Jefferson ou musiciens non identifiés comme Sam Butler [23], que le blues se dote d’un corpus de lyrics spécifiquement afro-américains, tant par leurs thèmes que par leur singularité lexicale et grammaticale, de textes créés par les interprètes eux-mêmes, et qu’il devient ainsi une veine poétique àpart entière comparable àcelle des coplas qui constituaient depuis bien longtemps la « colonne vertébrale  » du flamenco.

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La tradition flamenca, dà»ment confortée par sa dénomination, est attestée en 1881 par Demófilo, mais son ouvrage ne concerne en fait que les letras, et en dehors des critères « accompagné/non accompagné  », « dansable ou non  », on ne trouve guère d’indications musicales àl’appui de sa classification.
Est-ce un hasard si la Colección de cantes flamencos paraît un an après l’ouverture des premiers cafés cantantes véritablement dédiés au genre ? [24]

Avant que les auteurs et folkloristes du XIXe siècle ne donnent au terme « flamenco  » ses lettres de noblesse, il est tout-à-fait envisageable que l’usage populaire l’ait appliqué indistinctement àtous les chants et danses que pouvaient pratiquer les « Gitans  », ou même les musiciens andalous que l’on présente un peu hâtivement comme leurs « imitateurs  ». Y compris, admettons-le, àdes interprétations encore tributaires du folklore, àtoutes les variantes de Fandango, et àdes ébauches de cante présentant tous les « défauts  » que Silverio Franconetti préconisait d’éviter : voix rauques, mauvaise maîtrise du souffle, absence d’ornements, etc. Si tel n’était pas le cas, pourquoi l’initiateur des cafés aurait-il éprouvé le besoin de les évoquer ?

A la différence du blues, accessible par sa simplicité àtout vocaliste formé au chant d’église [25] , le flamenco est un art exigeant, dont les règles contraignantes concernent non seulement les structures, mais aussi et surtout l’interprétation, interdisant tout amateurisme.

Pansequito - Mi niño

Ce souci de normalisation, que le blues n’a jamais connu, s’exprime déjàdans l’« assemblée générale  » présidée par el Planeta [26], et on peut se demander àquoi ce dernier faisait référence en 1849 en enjoignant son disciple de s’en tenir « aux usages anciens  ». On pense immédiatement àune approche du chant profondément ancrée dans la tradition gitane, mais on peut également en douter ; non seulement parce que les Gitans sont traditionnellement instrumentistes plus que vocalistes, mais aussi parce que ce qui est vertement reproché àel Fillo, c’est une voix « brute  » et sans nuances. Une approche sans doute trop personnelle, trop originale pour el Planeta... quels commentaires lui aurait donc inspirés, s’il avait pu l’entendre, le timbre du jeune Pansequito ? « Contre-esthétique  » ou non, la musique gitane n’a jamais eu pour but de faire fuir le public, et il est àmon avis plus que probable que les recommandations du maître concernaient implicitement certaines caractéristiques du chant « classique  », développées par la suite par Franconetti : voix claire, notes liées, continuité de la ligne mélodique, etc. [27]
Autant de références qui n’ont rien de spécifiquement gitan, mais qui, tout comme les séquences harmoniques relevant de la musique savante occidentale, pouvaient apparaître comme un modèle àadopter.

Manuel Santiago Maya

De même, on peut envisager que la danse (non pas la danse de couple àlaquelle des musiques comme le blues ont servi de support, mais la danse de scène, stylistiquement et physiquement aussi exigeante que la danse baroque) s’est dégagée du folklore et professionnalisée en même temps que la musique, bien davantage que dans le cadre informel des fêtes familiales, au contact du public des cafés de cante et, plus tard, au sein des troupes de ballet qui populariseront le flamenco en Espagne [28], puis au-delàdes frontières nationales. Cette suggestion peut sembler contraire àl’idée d’un art solidement « enraciné  » dans une culture populaire, mais elle n’a rien de paradoxal, d’autre musiques marquées par leur origine « ethnique  », comme la biguine antillaise, n’ont véritablement pris forme qu’en s’exportant. [29]

La rigueur du flamenco n’est évidemment pas gratuite, et si elle obéit àun réflexe « identitaire  » c’est certainement celui de préserver une source de revenus, une implantation dans le domaine du divertissement, en dissuadant les néophytes qui prétendraient rivaliser avec les artistes gitans.

J.L. Hooker/Miles Davis - The Hot SPot

Le blues tend vers la même exclusivité, mais en rejetant au contraire la plupart des contraintes qui découlent d’une « véritable  » formation musicale, y compris celles du jazz. En entendant Miles Davis accompagner John Lee Hooker, expérience de « métissage  » récente et quelque peu risquée, on a la sensation que les deux musiciens ne parlent pas le même langage, et que le plus « musicien  » des deux s’avère hésitant, s’efforce d’éviter les fausses notes. Le blues, c’est vrai, a durablement influencé la musique populaire des deux continents, mais contrairement àd’autres musiques réputées d’origine afro-américaine il a résisté, jusqu’àun certain point, àl’assimilation forcée qui a fait du ragtime une musique de salon maîtrisée par des musiciens chevronnés, du jazz un art instrumental brillamment illustré par des arrangeurs et solistes de formation classique.

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L’émergence d’une musique fruste en apparence, et d’une poésie populaire dont les figures de style échappent aux manuels de rhétorique, a bouleversé le sens même du mot « blues  » dans son acception émotionnelle, pour en faire un symbole d’identité. Non pas un équivalent grammatical de « noir  », « gitan  » ou même « flamenco  » susceptible de remplacer les désignations méprisantes auxquelles la population afro-américaine s’était résignée par force, mais la traduction sans fard d’une réalité bien plus complexe et bien plus spécifique qu’un mal-être individuel, d’une sensation très différente du spleen qu’affectaient les Dandies anglophiles du XIXe siècle. En s’appuyant sur les aspects concrets de la réalité quotidienne, et éventuellement en s’en détachant pour traduire une douleur purement existentielle, le « blues  » exprimé par le chant deviendra indissociable de la condition du Noir américain.

« Ce morceau s’appelle Good Morning Blues, jamais un homme blanc n’a eu le blues parce qu’il n’a àse soucier de rien.  », déclarait Leadbelly. Mais il est rare, encore plus que pour le flamenco, que la revendication liée àla barrière raciale soit aussi explicite. On trouvera plus fréquemment l’évocation ironique d’une fatalité spécifiquement afro-américaine : « Moi, je n’ai jamais eu le blues, c’est le blues qui m’a possédé dès ma naissance.  » [30] A côté des situations les plus diverses (rupture, décès, trahison, maladie, chômage, incarcération…) qui accompagnent toute une palette de sentiments négatifs désignés par le mot "blues", on trouve une évocation de l’état dépressif en lui-même : « Le blues est un frisson glacé qui vous colle au sol et que je ne souhaite àpersonne – personne – d’éprouver.  » [31]

Leadbelly - Good Morning Blues

Le plus souvent, c’est l’analyse de la situation affective que traduit la complexité du « blues  », en particulier lorsqu’il concerne les relations de couple ; mais il arrive que le chanteur exprime délibérément une sensation qui surgit sans motif apparent. Si un psychanalyste daignait se pencher sur le degré d’introspection que traduisent, de manière elliptique, de nombreux textes de blues, il y trouverait certainement quelques parallèles avec sa pratique, y compris la nécessité d’exprimer son trouble, de le « verbaliser  » dirait-on de nos jours, autrement qu’en se reposant sur ses proches :

« Vous pouvez avoir du poulet et du riz dans votre assiette, vous dites : « Qu’est-ce qui se passe ? Je ne peux ni manger ni dormir...  » ; vous pouvez avoir vos frère et sÅ“ur, votre ami(e), mari ou femme àvos côtés, vous n’avez pas envie qu’ils vous adressent la parole, ce sont les blues qui vous ont attrapé, ils veulent vous dire quelque chose, il faut que vous leur parliez.  » [32]

Il n’est pas évident que le blues ait une vertu curative, mais tout comme aujourd’hui les rubriques de certains magazines, il permettait de partager des expériences communes. « You know what I’m talking about  » (vous savez de quoi je parle) est – était, devrais-je dire – un commentaire récurrent. [33]
C’est cette adéquation entre la musique et la société afro-américaine, touchée àdes degrés divers par la ségrégation indépendamment de ses différences sociales, que traduit le titre de l’essai de Le Roi Jones, Blues People ; ce qui n’empêche qu’une grande partie de la population noire rejetait le blues comme une musique antireligieuse, liée àl’alcool et àla délinquance, une musique rudimentaire et surtout, vulgaire dans son expression. « Si je chante le blues et que je dis la vérité, qu’est-ce que j’ai fait de mal, quelle faute ai-je commise ? Je n’ai pas menti, donc… c’est juste une mentalité, c’est juste un état d’esprit dans lequel les gens sont enfermés  » disait Henry Townsend [34].

On doit nuancer de la même manière l’adhésion de la société gitane et andalouse au flamenco, « le moins populaire des genres que l’on dit populaires  » selon Demófilo [35], et observer que l’un et l’autre correspondent àune manière d’être, une attitude qui se démarque des conventions sociales.

Ce n’est ni un Gitan, ni même un musicien qui m’a révélé la célèbre formule « Lo(s) Flamencos(s) no come(n)  » (les « Flamencos  » ne mangent pas), mais le frère de notre ami José Peña, assis devant le verre d’anisette qui lui tenait lieu de petit déjeuner [36]. Quoi que l’on pense de cette attitude suicidaire, elle traduit une approche de l’existence qui s’inspire des valeurs traditionnelles du peuple tsigane émigré en Espagne, une sorte d’élégance désinvolte, de fierté, de sens de l’honneur assortis d’un mépris de l’argent et d’une insouciance du lendemain, d’un esprit festif et d’une convivialité qui frisent la provocation. Cette attitude s’apparente globalement àl’esthétique andalouse, comme le lourd vêtement d’apparat du torero qui rend toute intervention problématique en cas d’accident, comme les contraintes physiques de la danse flamenca ou la tenue inconfortable (presque verticale) de la guitare, l’obligation pour le cantaor d’adopter ou non le position assise en fonction du type de chant et sans réel impératif technique… Le flamenco, comme la tauromachie, privilégie la « beauté du geste  ».

La provocation, qui inciterait àtraduire «  flamenco  » par « frimeur  », répond évidemment àautre chose qu’au souci de paraître. Comme la violence des blues ou, au contraire, leur détachement et l’humour avec lequel ils peuvent évoquer les événements les plus tragiques, elle représente un réflexe de survie, de défense face àl’existence, un jeu sur la dramatisation et la dédramatisation qui constitue en lui-même un acte de résistance. Parmi les reproches adressés au blues par les militants engagés dans la lutte contre la ségrégation raciale figurait le mot « résignation  », ce qui est àmon avis un contresens total. Le chant n’a pas besoin de brandir un étendard pour constituer, par son existence même, une marque de revendication et un signe de ralliement.

J. L. Hooker - King of the World

Certains chanteurs ont effectivement donné àleurs textes un tour plus « politique  », Josh White ou Manuel Gerena pour ne citer que deux exemples, et le titre de Hooker King Of The World s’ouvre sur un message de paix universelle… mais surtout, on trouve cette philosophie humaniste dans les propos du chanteur et guitariste Mance Lipscomb, métayer du Texas révélé au public àl’âge de 65 ans ! Quoi qu’ils expriment, le blues et le flamenco le traduisent par la voix des humbles, auxquels la musique donne une « visibilité  » quelque peu dérangeante pour la société dominante et ses appétits meurtiers.

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Manuel Gerena - Mi pueblo y yo

Il est frappant de constater que le mot « blues  », avec sa connotation emblématique portée sur le devant de la scène par des artistes issus d’une population dénigrée et opprimée, est omniprésent dans la musique elle-même… alors que le mot « flamenco  » en est pratiquement absent.

Gerena

« Blues  » est un élément presque obligé du titre, on le retrouve dans les couplets, il revient avec toutes ses variantes dans chaque situation, le chanteur l’interpelle, l’interroge, et on le retrouve dans les encouragements qui lui sont adressés. Au contraire, « flamenco  » demeure étrangement implicite ; on ne le rencontre pratiquement jamais dans les coplas, et en aucun cas dans le titre ; l’entourage des musiciens lancera : « Â¡ así se toca !  » ou « Â¡ viva el arte !  » mais prononcera très rarement « flamenco  ». Les mots cante, baile et toque marquent une singularisation dans la mesure où il s’agit de termes « gitanisés  », mais ils n’en demeurent pas moins génériques, comme si la musique n’avait aucun besoin de se démarquer explicitement, ou comme si elle excluait spontanément une appellation « extérieure  » qui l’enferme dans une catégorie.

Faut-il y voir un réflexe « identitaire  », ou ce mot est-il exactement àl’opposé de la vision du monde que traduit le rejet d’une dénomination ?

Du temps de l’esclavage jusqu’aux années 1960, la population qui n’avait pas encore droit àl’appellation « politiquement correcte  » d’afro-américaine ne se percevait pas comme « Ã©trangère  ». Son désarroi était vécu comme une contradiction, le fait d’être noir ET américain. Totalement américain, ajouterais-je, avec tout ce que cela implique. Le mot « blues  » exprime donc àla fois la dualité qu’ont évoquée Du Bois ou James Baldwin, et une revendication collective de citoyenneté.

Juan Talega - Yo no soy de esta tierra

Les Gitans, s’ils sont au centre non seulement de la musique, mais aussi de l’attitude revendiquée comme "flamenca", relèvent d’une culture qui n’a jamais véritablement connu son origine géographique, et pour laquelle la notion de nationalité n’avait guère de sens. On ne peut s’étonner qu’un peuple qui, depuis près d’un millénaire, s’est habitué àn’être « de nulle part  », dont la désignation, quand elle n’est pas imposée par la population d’accueil (Rom, Tzigane, Bohémien, Gitan...) pouvait se résumer àla traduction du mot « homme  » (Manouche), considère le sédentaire comme un étranger, un « payo  », « gacho  » ou « gadjo  » ; quand le droit àl’existence se confond avec l’idée que la terre est le bien collectif de l’humanité, il semble assez logique de considérer que ceux qui revendiquent la propriété exclusive d’une parcelle de ce monde s’excluent eux-mêmes d’une humanité universelle – digression qui rejoint peut-être quelques enjeux planétaires actuels.

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Jelly Roll Morton - The Murder Ballad (disque 2... sur 6)

Cet aspect, encore une fois, est totalement distinct de la musique elle-même, produit de l’activité humaine inscrit dans le temps et dans l’espace. On peut évidemment préférer l’image d’un chant désespéré venu du fond des âges àcelle, plus prosaïque mais bien plus réelle, de la création artistique ancrée dans une réalité sociale précise – ce qui ne l’empêche pas d’avoir une portée universelle ; on peut surtout, je le pense, être sensible àson message sans bouleverser les repères chronologiques, ni avoir recours àdes schémas qui défient l’entendement.

La confusion entre le « blues  », état psychologique, et la forme d’expression musicale du même nom, a été àl’origine de nombreux contresens, notamment en ce qui concerne sa datation. Une formule du type « il n’y jamais eu de premier blues, le blues a toujours existé  » ne peut leurrer personne, mais comme pour le flamenco, il existe une tendance lourde [37] àfaire remonter son existence àl’aube de l’humanité, voire àl’origine du monde.

« Nulle musique populaire ne semble plus proche du cri original que le flamenco, comme si immédiatement après le Big Bang (…) la longue plainte de l’humanité àvenir était déjàinscrite dans l’organisation de l’univers  » [38].

Même dans un but de prosélytisme, on aimerait ne plus avoir àsubir de telles absurdités, pas davantage que celle qui affirme que ce « cri original  » est nécessairement originaire d’Afrique, berceau de l’humanité… mais quelle argumentation rationnelle peut rivaliser avec une croyance ?

Espérons simplement que cet effet du Big Bang se fasse encore ressentir quelque temps, avant que l’humanité ne devienne un vague souvenir inscrit dans la mémoire de quelque entité extra-terrestre ; et souhaitons surtout que dans l’intervalle, les déclarations àl’emporte-pièce soient toujours tempérées par une bonne dose d’humour : « Le blues existera toujours… tant qu’il y aura un homme sur terre…. et une femme pour le contrarier !  » [39]

[1Rappelons qu’en anglais, les adjectifs ne portent aucune marque de pluriel. Les premiers articles publiés dans la presse américaine àpropos de la musique naissante (1922-24) n’utilisaient « Blues  » qu’entre guillemets, et avec une majuscule

[2Machado, op. cit. p. 9

[3La linguistique n’étant pas encore intervenue pour distinguer le code phonétique du code graphique, l’auteur se heurte àla même difficulté que les dictionnaires et les manuels de langue de l’époque, àla même impossibilité de transcrire la prononciation en utilisant l’alphabet traditionnel. Mais il n’était peut-être pas indispensable d’écorcher chaque mot, au risque d’introduire des ambiguïtés, après le long exposé dans lequel les altérations sont énumérées de manière aussi méthodique que possible.

Ce souci de cohérence anime rarement les auteurs américains qui prétendent imiter la « prononciation noire  », souvent plus proche de l’anglais universitaire que leur propre accent… ou même rigoureusement identique. Ainsi, il est assez ridicule de marquer l’élision d’un « r  » final qui est la règle en British English, et d’écrire « wimmin  » pour suggérer un jargon propre àla « race noire  » alors que le pluriel de « woman  » est universellement prononcé [‘wimin] (les lecteurs sceptiques sur ce point se reporteront utilement àDaniel Jones : English Pronouncing Dictionary – Everyman, ou àn’importe quel dictionnaire actuel comportant des transcriptions phonétiques).

[4La musique a été un des rares terrains sur lesquels pouvait exister une relative tolérance raciale. Selon Richard Sudhalter (Land of dreams ; myths and realities of New Orleans jazz in the 20’s – Timeless CD CBC 1-014), le jazz de la Nouvelle Orléans était indifféremment représenté par des orchestres blancs, créoles, noirs ou… mixtes ! Le chanteur et banjoïste Dave Macon, du temps où faisait équipe avec l’harmoniciste noir De Ford Bailey, devait présenter ce dernier comme son valet afin qu’il soit logé dans une chambre d’hôtel décente. La différence entre le blues et la musique blanche « hillibilly  », issus àbien des égards d’une même tradition de « folk music  », était davantage liée au public visé qu’aux options personnelles des interprètes : ainsi en 1927, les frère Allen, auteurs de Laughin’ Cryin’ Blues, feront un procès àColumbia pour avoir édité leur titre dans la série des «  races records  » destinés àla clientèle noire, non par préjugé, diront-ils, mais parce que cette publicité induisait leur public en erreur. A l’inverse, un an plus tard, certains titres de Mississippi John Hurt seront publiés dans la série « générale  », rien ne les distinguant des interprétations « caucasiennes  »â€¦ erreur promptement corrigée, bien évidemment !

[5Lors d’une brève interview en coulisses, Fernanda de Utrera avait « mis en boîte  » son interlocuteur avec cette répartie totalement humoristique, mais révélatrice : « Gitans, nous ? Noooon ! J’ai peur, moi, des Gitans !  »

[6Gertude Pridgett (1886-1939) sera considérée comme la « mère du blues  »

[7La vitalité de la musique noire antérieure au blues a été mise en évidence par Lynn Abbott et Doug Seroff : Out of Sight (2002) et Ragged But Right (2007) – University Press of Mississippi.

[8voir Avant-propos, note 2

[9On pense effectivement àSympathy With The Devil, mais cette « sympathie  » n’est pas étrangère àl’admiration que les Stones vouent àRobert Johnson, qu’ils ont largement contribué àfaire connaître.

[10Le fondamentalisme chrétien n’ayant rien àenvier àl’Islam, l’expression « musique du diable  » désignait, rappelons-le, toute forme de musique profane et non spécifiquement le blues. « Satan  » est bel et bien mentionné, voire interpellé dans certains blues (moins fréquemment, en fait, que dans la littérature ou la musique européenne), mais il ne se prête àaucun amalgame avec les superstitions afro-américaines. En particulier, les pratiques magiques du hoodoo, qui ne concernaient pas uniquement le peuple des campagnes mais faisaient l’objet de publicités dans la presse urbaine, n’avaient recours àaucune « créature  » surnaturelle. Elles s‘apparentaient plutôt àune sorte d’alchimie, sans aucun rapport avec le Vaudou haïtien ni avec une quelconque religion. Dans le rituel du « black cat bone  » (amis des bêtes, désolé !), ce n’est pas le chat noir qui présente un intérêt, ni même sa réputation maléfique, mais l’os qui servira de talisman, celui qui surnage inexplicablement àcontre-courant après qu’on a fait longuement bouillir l’animal et jeté ses restes àla rivière !

[11Monica J. Burdex : Dance – Artistic, in Ed Komara : The Blues Encyclopedia, p. 246 (Routledge 2006)

[12(W.C. Handy : The significance of the Blues – The Talking Machine Journal, 1919 (remerciements àJean-Pierre Lion, auteur de la biographie de Bix Beiderbecke : Bix – Outre mesure, 2004, pour m’avoir communiqué cet article.

[13Parmi les chansons ou « blues  » qu’interprète Handy, on peut reconnaître trois mélodies relevant de la tradition des string bands « blancs  », de structure AAAB et donc de seize mesures, que pour les besoins de sa démonstration il réduit àdouze.

[14Date de publication de Memphis Blues. Handy publiera par la suite un recueil de ses Å“uvres : Blues, an Anthology (1926) dans lequel le journaliste Abbe Niles développe en son nom le lien qu’il revendique entre la musique vernaculaire et ses compositions sophistiquées.

[15L’exemple le plus singulier et le moins discutable est probablement l’interminable ballade narrative que Jelly Roll Morton aurait entendue au début du siècle et enregistrée en 1938, intitulée The Murder Ballad (et non Blues), dont le caractère pornographique a longtemps différé la réédition.

[16Voir section 2, note 2

[17Ce type de chant est représenté par plus d’une centaine d’exemples enregistrés « sur le terrain  » pour les Archives of Folk Music de la Bibliothèque du Congrès, et quelques rares avatars commerciaux ; sa datation est évidemment impossible, mais du fait de l’enregistrement, sa présence au début du XXe siècle est plus flagrante que celle des Tonás, Martinetes, Livianes et autres chants a cappella remis au goà»t du jour dans les années 1950 qui s’avèrent, àla différence de Saetas, pratiquement absents sur disque.

[18Il semble plus intéressant d’observer une amorce de structure AAB et une descente chromatique assez typique dans une pièce comme St Louis Tickle, composé en 1904.

[19Cette affirmation pourrait être contestée par n’importe quel danseur des années 1930 et au-delà… ainsi que par les nombreuses partitions qui portent la mention « tempo di blues  »

[20Le banjoïste Lucius Smith dénonçait le blues comme une source de vicissitudes : « je dirais que ça n’a vraiment rien àvoir… c’est une forme de danse, une nouvelle danse… c’est de la danse swinguée, vous voyez, de la danse de couple… ça a vraiment fichu le pays en l’air… c’est faire n’importe quoi, au hasard, déconner, vous voyez ? On n’a jamais vu autant de gens se faire tuer que depuis qu’ils ont commencé àjouer le blues  » (David Evans : Big Road Blues, op. cit. p. 47-48)

[21C’est sous le nom de « verse  » que les musiciens de jazz désignent la trace résiduelle du couplet qui figure encore sur la partition, mais que l’on réduit àune simple introduction (voir une des premières versions de C.C. Rider par Ma Rainey ). Ceci ne concerne pas uniquement les blues, mais tous les thèmes qui n’étaient au départ qu’un refrain (Tea For Two est un exemple assez significatif)

[22L’expression utilisée par Le Roi Jones – sauf erreur, dans Dutchman (Le métro fantôme) – est évidemment une allusion au titre de Ma Rainey, Black Bottom Blues.

[23Egalement connu sous le pseudonyme de Bo Weavil Jackson

[24La formule existait àSéville depuis 1847, mais ces établissements accueillaient toutes sortes de variétés (Voir Leblon op. cit. p. 32)

[25c’est le cas d’une majorité des « blues singers  » nés avant-guerre, et encore aujourd’hui de musiciens comme Bobby Rush

[26Calderón, op. cit.

[27Les techniques vocales du flamenco ne se confondent évidemment pas avec le chant lyrique occidental, on peut même dire avec Bernard Leblon qu’elles en sont l’antithèse, mais elles tendent, avec des moyens différents, vers le même degré de maîtrise.

[28Leblon, op. cit. p. 38

[29Cowley : op. cit. La musique des Antilles francophone s’est principalement développée à... Paris, comme l’atteste une impressionnante discographie, grâce aux orchestres qui ont accompagné l’immigration antillaise, rivalisant avec le jazz dans la plupart des bals de la capitale.

[30Brownie McGhee... entre autres, car la formule était très répandue !.

[31Son House, Preachin’ Blues, 1930).

[32Leadbelly, autre introduction de Good Morning Blues.

[33« Je m’adresse àceux qui éprouvent la même chose que moi  », chantait John Lee Hooker devant le public du Café Au Go Go… B.B. King, pour sa part, avait l’habitude d’émailler ses morceaux d’anecdotes édifiantes ou de conseils personnels en rapport avec le thème de la chanson.

[34Henry Townsend in Paul Oliver : Conversation with the Blues (op. cit. p. 181) qui, pour sa part se tenait àl’écart des tables de jeu, des libations et de rixes, regagnant prudemment son domicile après chaque session.

[35Machado, op. cit. p. 10

[36Armando Peña : entretien privé – Grenade, juillet 1971

[37« Lourde  » dans tous les sens du terme, y compris celui de « désagréablement insistante  »

[38Juan Barral : Arte flamenco – CD Mandala 5062/63

[39J’avoue ne plus me rappeler quel musicien est àl’origine de cette citation ; on peut évidemment la retourner comme un gant, puisque les blues « féminins  » s’emploient souvent àdresser, avec rancÅ“ur ou avec humour, un portrait peu flatteur du mâle dominant : violent, paresseux, beau parleur, alcoolique et infidèle.


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