Sara Baras Ballet Flamenco : "La Pepa"

Compagnie Gadès : "Carmen"

samedi 22 décembre 2012 par Nicolas Villodre

Sara Baras Ballet Flamenco : Théâtre des Champs - Elysées / 21 décembre 2012

Compagnie Gadès : Palais des Congrès / décembre 2012

Sara Baras Ballet Flamenco : La Pepa

Sara Baras : livret et direction artistique

Sara Baras, avec la collaboration de José Serrano : chorégraphie

Ras Artesanos, Sara Baras : scénographie

Torres-Cosano : costumes

Oscar Marchena, José Luis Alegre, Sara Baras : lumières

Sara Baras : La Pepa

José Serrano : danseur invité

Keko Baldomero : direction musicale

Keko Baldomero, Miguel Iglesias : guitares

Antonio Suarez, Manuel Muñoz « Pájaro » : percussions

Saul Quiros, Emilio Florido, Miguel Rosendo : chant

Carmen Camacho, Charo Pedraja, Cristina Aldón, Isabel Ramirez, Macarena Rodríguez, María Jesús García, Natalia López, Tamara Macías, Alejandro Rodríguez, Daniel Saltares, David Martín, Manuel Ramirez, Raúl Fernández : danse

C’ est Noël, c’ est Noël, c’ est Noël !

Malgré quelques faiblesses par-ci par-là (routines des variations un peu justes, structurellement parlant ; gestuelle réduite au minimum syndical : le braceo et le taconeo ; sono mal réglée, favorisant bien entendu, si l’ on peut dire, les claquements de pieds mais brouillant le reste, voix et guitares, une bonne partie de la soirée), Sara Baras démontre une nouvelle fois son sens du spectacle. Cette qualité portée à un niveau rarement atteint par un show de flamenco n’ est paradoxalement jamais contrariée par l’ utilisation d’effets redondants ou d’ éléments provenant d’ autres disciplines – le théâtre, la pantomime, le défilé de mode. La grâce de l’ ensemble, l’ élégance de tous, le soin apporté aux lumières (Oscar Marchena, José Luis Alegreet la chorégraphe) le chic des costumes (Torres-Cosano) l’ emportent sur une velléité expressive, représentative et illustrative d’ un autre temps. Sara nous touche par sa simplicité même – la naïveté, le côté « premier degré », l’ imagerie d’ Épinal obéissent aux lois de ce genre spectaculaire, sont dictées par le mainstream où elle se situe, mais on lui passe tout, car tout est vraiment pro, ici.

Le prétexte de cette pièce en huit tableaux narratifs, symboliques ou édifiants (L’ Horreur, La Mer de la liberté, Le Port de Cadix, Le Parlement de Cadix, Messe d ’action de grâce, Le Peuple gaditan, La Promulgation, La Pepa 2012), plus ou moins longs, découpés par un ou plusieurs palos (Martinete ; Valse ; Guajira – Zapateado – Fandango - Seguiriya ; Soleá por Bulería, ;Malagueña ; Tanguillo ; Farruca ; Alegría), a été la célébration, cette année, du bicentenaire de la première Constitution espagnole, celle de 1810-1812 (période de l’ occupation napoléonienne et aussi de résistance populaire), surnommée « La Pepa », car elle fut promulguée à la Saint-Joseph (Pepa étant le diminutif familier de Joséfa).

Les compositions musicales et les versions des palos assumées par Keko Baldomero sont plus que correctes. Les guitaristes ne se contentent pas de faire la pompe pour les danseurs, Keko, en particulier, s’ autorise quelques brillantes falsetas. Les chanteurs, une fois franchie la barrière du son HF qui estompe ou rend pâteux les premiers cantes, se révèlent extrêmement subtils, notamment dans la Soleá. Les percussionnistes nous prouvent leur virtuosité dans un duo offert en bonus vers la fin du programme, qui permet à la danseuse de se rafraîchir et de se changer hors champ. Les numéros sont pour la plupart très au point et on ne peut mieux composés. Les passages littéralement obscurs ne manquent pas – un peu trop, au goût de notre voisine de gauche –, à commencer par celui du début de spectacle, le tableau L’ Horreur étant dans une ambiance « fin du monde » - il est vrai que nous avons vu La Pepa le 21-12-2012…

Abandonnant la robe rouge éclatante pour des teintes plus éteintes, des tons pastels, gris-bleus, anthracite, beige, etc., Sara est toujours aussi élégante. Son port de bras a été célébré à juste titre dès les années 90. Son taconéo a gagné en virtuosité et en précision. Elle joue avec les voiles de ses robes avec la maestria d’ une Loie Fuller. Le public, à la fin, était debout, il va sans dire.

Nicolas Villodre


Compagnie Gadès : Carmen

Carmencinta

Beau programme Gadès au Palais des Congrès, où Dominique Berolatti nous avait convié, pour fêter la fin de l’année – à défaut de la fin du monde. Que ce soit sur le papier (cf. la magnifique plaquette signée Josseline Le Bourhis) ou sur l’ impressionnante scène de la Porte Maillot. Son nom légendaire, son incontestable photogénie (cf. le portrait au profil aquilin tiré par le grand photographe José Lamarca en 1982 qui a servi aux affiches 4 x 3 du métro parisien), et, bien sûr, les œuvres elles-mêmes – Carmen (1983), Noces de sang (1974) et Suite flamenca (1983), Fuenteovejuna (1994) –, ont incité les productions Val à convoquer le grand public pour rendre un hommage posthume au chorégraphe alicantin. Nous avons eu l’ occasion et le plaisir de revoir un des standards du maestro, Carmen, dont la mise en scène fut co-signée par Carlos Saura, auteur d’ un ciné-ballet éponyme sans paroles réalisé l’ année de sa création.

Il faut dire que légende de Mérimée (1845), une héroïne issue d’ une nouvelle devenue trente ans après objet opératique grâce au trio Bizet-Meilhac-Halévy (1875), a, depuis, bel et bien prospéré. Tout le monde, tous les metteurs en scène, au théâtre comme au cinéma, ont voulu avoir leur Carmen : Charles Chaplin, Francesco Rosi, Herbert von Karajan, Vicente Aranda, Cecil B. DeMille, Aleksandr Khvan, Jacques Feyder, Ernst Lubitsch, Lotte Reiniger, Gerolamo Lo Savio, Theo Frenkel, Giovanni Doria et Augusto Turqui, Stanner E.V. Taylor, Raoul Walsh, Ernesto Vollrath, George Wynn, Claes Fellbom, Christian-Jaque, Luis César Amadori, Cecil Lewis, Gianfranco De Bosio, H.B. Parkinson, Terence Young et Roland Petit, Otto Preminger, Mark Dornford-May, on en passe et des meilleurs.

Photo : Jesús Vallinas

Remarquable interprète de flamenco, mais pas que, Gadès, fut initié à cet art en particulier et à celui de la danse espagnole en général par la grande Pilar Lopez, la sœur aînée de La Argentinita, avant d’ imposer son élégante silhouette au début des années soixante. Sa brillante prestation dans la version gitane de Roméo et Juliette (ou, si l’on veut, dans un remake espagnol de West Side Story), le film de Francisco Rovira Beleta Los Tarantos (1963) – on pense à sa farruca sous les jets des arroseuses municipales, enregistrée en plan-séquence dans les rues de Barcelone, au petit jour – le situe d’ emblée entre les deux grandes figures l’ ayant précédé, le rénovateur du flamenco masculin Vicente Escudero et le typique virtuose Antonio. Son style intègre d’ ailleurs les qualités de ces deux pairs : la sécheresse, l’ aplomb, le port de bras ostensible nettement au-dessus de la tête d’ Escudero et l’ ornementation byzantine, l’ extrême sophistication, le néo-classicisme maniéré d’ Antonio.

Les danseurs principaux (María José López, dans le rôle-titre, Ángel Gil, dans celui de Don José, et Jairo Rodríguez, le toréador) nous ont paru un peu tendres ou, ce qui revient au même, en deçà, comme intimidés (on le serait à moins !) par l’ immensité du plateau. Miguel Ángel Rojas a été plus convaincant, tranchant, à l’ aise, dans le rôle du mari. Pas évident, pour le moment, encore, de succéder à Gadès. Ou à Stella Arauzo, que nous avions vue dans la version de ce ballet programmée à Chaillot il y a trois ans, devenue depuis la directrice de la compagnie. Avec le temps, ces jeunes artistes prometteurs (le corps de ballet était impeccable) gagneront en efficacité, en attrait (en picardía, pour ce qui est de la danseuse, en locura, pour l’ amant jaloux), bref, en intensité. La pièce nous a semblé également un peu plus étirée qu’ au théâtre Jean Vilar.

Les représentations du Palais des Congrès étaient dédiées à la mémoire de Boris Traïline, danseur puis imprésario de la Compagnie Gadès à partir des années 80, disparu en octobre dernier. La section musicale live a été talentueusement assurée par des palmeros, chanteurs (Ángela Nuñez “La Bronce”, Alfredo Tejada, Joni et Gabriel Cortés, Enrique Pantoja) et guitaristes (Antonio Solera, Andrés Carmona) experts, andalous. Comme il se doit. Les rappels n’ ont cessé et Eugenia Eiriz, la veuve de Gadès, émue, est venue saluer le public.

Nicolas Villodre





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