José Montalvo : "Y Olé !"

jeudi 18 juin 2015 par Nicolas Villodre

Théâtre de Chaillot, du 17 juin au 3 juillet 2015

"Y Olé !"

Création au Théâtre National de Chaillot Pièce pour seize interprètes

Chorégraphie : José Montalvo Assisté de Joëlle Iffrig et Fran Espinosa

Scénographie et conception vidéo : José Montalvo

Costumes : Rose-Marie Melka assistée de Didier Despin

Lumières : Gilles Durand, Vincent Paoli

Collaborateur artistique à la vidéo : Sylvain Decay, Pascal Minet

Infographie : Sylvain Decay, Clio Gavagni, Michel Jaen Montalvo

Coordination artistique : Mélinda Muset-Cissé

Créé et interprété par : Karim Ahansal dit Pépito, Rachid Aziki, Abdelkader Benabdallah dit Abdallah, Emeline Colonna, Anne-Elisabeth Dubois, Serge Dupont Tsakap, Fran Espinosa, Samuel Florimond dit Magnum, Elizabeth Gahl, Rocío Garcia, Florent Gosserez, Rosa Maria Herrador, Chika Nakayama, Lidia Reyes, Beatriz Santiago, Denis Sithadé Ros dit Sitha

Répétiteurs en alternance : Delphine Caron et Emeline Colonna, Simhamed Benhalima et Fouad Hammani

Production Théâtre National de Chaillot Coproduction Les Théâtres de la Ville de Luxembourg

Moins c’est plus et plus c’est moins

On aurait dû se méfier. L’absence de point exclamatif inversé au début du titre du spectacle, Y Olé !, aurait pu nous mettre la puce à l’oreille. Ce vocatif ou bref syntagme interjectif aux origines, nous dit-on, islamiques, utilisé plus prosaïquement par les tifosi, les amateurs de corrida, les spectateurs et les palmeros du jaleo flamenco, se doit, en castillan et en principe, d’être précédée d’un signe de ponctuation tête-bêche, destiné à signaler au lecteur une intonation descendante, une intensité soudaine, une expression pouvant aller de l’admiration à l’encouragement, en passant par le vœu, la conjuration, la crainte, l’emphase, la surprise ou, par dérision, tout le contraire.

L’omission résulte sans doute d’un choix délibéré. Cette abdication typographique, admise en Galice et dans la région d’où est issu notre actuel Premier ministre, en annonce d’autres, comme nous allons le voir. D’abord, il ne s’agit pas d’un ballet flamenco contemporain à proprement parler, comme on serait tenté de le croire si l’on en s’en tient au visuel et au titre de l’affiche. En contrebande, nous avons droit, avec à peine deux ans de retard sur les cérémonies ayant partout dans le monde célébré son centenaire, à la version de José Montalvo du Sacre du printemps (1913) de Stravinski. Cette première partie dure exactement la moitié du spectacle. Quoique hors sujet, hors de propos et hors de toute urgence, elle n’est pas désagréable à voir, loin de là et permet sans doute aux danseurs de se mettre en jambes pour la suite, les unes dans leurs attitudes néo-classiques ou leur taconeo net et précis, les uns dans leur travail acrobatique stylisant le hip hop.

La partie plus flamenca continue bien sûr à se mélanger les pinceaux, à multiplier sans raison les entrées et les sorties, c’est le cas de le dire, des intermittents, à chercher à combler le vide que le chorégraphe doit avoir en horreur. Au prétexte de collage (dans son entretien inédit avec Marie-Christine Vernay, reproduit dans le programme, Ïosé Montalvo se réfère sans complexe au Blaue Reiter), de jeu avec les « classifications des cultures musicales savantes et populaires », de « mélange des genres », de décloisonnement, etc., on fond et confond volontiers, le plus « innocemment » du monde, des expressions qui ont leur logique, leur esthétique, leur langage ainsi que leur histoire propres. Ce relativisme de bon aloi, multikulti, tutti frutti dont les United Colors des beaux costumes signés Rose-Marie Melka (et Didier Despin) sont le drapeau, alterne et juxtapose des signifiants de source différente sans jamais les amalgamer, les intégrer, les assimiler. Du coup, on peut avoir la sensation que si tout est impeccablement tourné, exécuté, servi par des artistes de grand talent, la fusion elle-même n’a pas lieu, qui eût permis comme dans le jazz-rock ou le flamenco-jazz, pour ne prendre que ces deux exemples, de faire évoluer les choses, autrement dit, la danse.

Les danseurs (et, à l’occasion chanteurs) méritent tous d’être mentionnés : Karim Ahansal dit Pépito, Rachid Aziki, Abdelkader Benabdallah dit Abdallah, Anne-Elisabeth Dubois, Fran Espinosa, Samuel Florimond dit Magnum, Elizabeth Gahl, Rocío García, Florent Gosserez, Rosa María Herrador, Blaise Kouakou, Chika Nakayama, Lidia Reyes, Beatríz Santiago, Denis Sithadé Ros dit Sitha, qui seront à juste titre ovationnés par le public venu nombreux à Chaillot. Les danseuses habituelles comme celles recrutées outre-Pyrénées pour l’occasion sont pimpantes, piquantes, sexy et assurent aussi bien dans le port de bras (braceo), le taconeo que dans les castagnettes, pour une fois mises à l’honneur en fin de spectacle.

Photo : Nicolas Villodre

Le savoir-faire de Montalvo, l’usage maîtrisé de la vidéo (Sylvain Decay et Pascal Minet), la collaboration efficace de Joëlle Iffrig et, pour ce qui est de la danse andalouse, du vétéran de l’étape, Fran Espinosa, bailaor-cantaor et animateur, suffisent amplement, qu’on se rassure, à produire deux plaisants tableaux. On gardera en mémoire le numéro très réussi de danse pure sur un air n’ayant rien d’andalou, s’agissant de la ballade de Bob Thiele et George David Weiss, « What a Wonderful World » chanté par Satchmo en 1967 et, bien entendu, la chanson de Juanito Valderrama (originaire de Jaén, comme le père du chorégraphe), « El Emigrante » (1947), interprétée a capella par une émouvante Lidia Reyes.

Nicolas Villodre





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