Kiko Ruiz / Ravi Prasad : "Tandem"

Bernardo Sandoval : "Amor"

jeudi 27 décembre 2007 par Claude Worms

Kiko Ruiz / Ravi Prasad : "Tandem" "Juste une attitude" / Harmonia Mundi IE 1401

Bernardo Sandoval : "Amor" Milan 399 163-2

Avec Vicente Pradal, Bernardo Sandoval, Serge Lopez, Salvador Paterna, Kiko Ruiz..., Toulouse est incontestablement l’ un des pôles créatifs les plus importants de la guitare flamenca "française" (cf : notre rubrique "falsetas françaises"). Tous ces musiciens ont en commun un goût prononcé pour les aventures "extra flamencas", qui les amène à concevoir des projets originaux, et à collaborer avec des artistes issus d’ autres courants musicaux.
Les derniers enregistrements de Kiko Ruiz ("Tandem"), et Bernardo Sandoval ("Amor"), d’ une égale atmosphère intimiste, sont très révélateurs de cette insatiable curiosité.

Par delà les différences de culture musicale, "Tandem" est avant tout un dialogue fusionnel entre deux musiciens, Ravi Prasad (chant, flûte, et percussions indiennes), et Kiko Ruiz (guitare flamenca).

Kiko Ruiz est naturellement déjà familier de nos lecteurs. Rappelons simplement qu’ il a participé à de nombreuses créations musicales, avec Vicente Pradal ("Romancero gitano", 2004), Bernardo Sandoval ("Buenos días", 2000), Renaud Garcia Fons et Negrito Trasante ("Entremundo", 2002 ; et "Arcoluz", 2004), et Jean-Pierre Lafitte ("Ressons", 2005).

Originaire du Kerala (un Etat de l’ Inde du sud), Ravi Prasad est diplômé du "Central Carnatic College" de Madras, et spécialiste du chant sacré. Installé en France depuis 1985, il a travaillé avec Bernard Lubat et Gérard Marais, créé un trio de "jazz-fusion" avec Philippe Renault et Guillaume de Chassy ("Ithal", 1994), et composé sur commande de Radio-France une oeuvre pour quatuor à cordes et voix ("Mégapoles", 1998). Ajoutons qu’ il avait déjà joué en duo avec Pedro Soler (Al Sur / Concord, 1999).

Malgré certaines scansions évoquant la Rumba, l’ album ne comporte qu’ un "palo" rythmiquement nettement défini (une Bulería, "Flores", qui est aussi la seule pièce où apparaisse la flûte. Le chanteur y improvise en onomatopées rythmiques, comme dans le "Crossing roots" de Manuel Delgado et Ralf Siedhoff, avec le "Karnataka College of Percussion"). Les autres titres sont de délicates compositions du duo, dans des interprétations minimalistes basées sur le dialogue chant / guitare, épisodiquement souligné par de discrètes percussions et quelques interventions du contrebassiste Jacky Grandjean, fidèle compagnon de Kiko. Les arpèges et les contrechants de Kiko Ruiz (avec quelques allusions au sitar) sont continuellement renouvelés et en parfaite adéquation avec le chant, d’ une présence immédiate et d’ une aisance confondante, de Ravi Prasad (sauf peut-être "Parashuraman", légèrement plus forcé, et significativement la seule allusion mélodique réelle au flamenco : une improvisation sur les premières notes communes aux thèmes de la Caña et du Polo).

Nos seules réserves porteront sur le livret, désespérément laconique (nous aurions aimé quelques informations sur les instruments, et sur le sens des textes, à défaut de traductions intégrales), et sur le "complément de programme", un "remix" bien inutile de "Tandem" (le thème titre, assurément accrocheur, mais pas forcément le plus intéressant de l’ album).
Le disque ménage enfin habilement différents niveaux d’ écoute, selon que l’ on se laissera séduire par le charme immédiat des mélodies (autant de "chansons" qui constituent d’ utiles repères), ou que l’ on s’ attachera aux improvisations, plus complexes. Un enregistrement emprunt d’ une grande sérénité, à l’ image de la photo qui orne la jaquette, et d’ une complicité entre les deux protagonistes, que l’ on sent autant humaine que musicale.

Kiko Ruiz

Ravi Prasad

Titulaire d’ un diplôme de la "Chaire de Flamencologie" de Cordoue (1978) et primé au concours de La Unión (1979), Bernardo Sandoval est un incontestable virtuose de la guitare flamenca. Il n’ en a pas moins considérablement élargi son horizon musical, produisant régulièrement des disques d’ auteur - compositeur - interprète de grande qualité (de 1990 à 2005 : "Camino del alba", "Caracola", "Aurora", "Hoy", "Buenos días", et "Negriluz" ; sans compter deux "live", "Vida" et "En vivo"), et collaborant avec l’ orchestre béninois "Jaya" ou l’ orchestre de chambre de Toulouse. Il est aussi un talentueux compositeur de musiques de film ("Marie Baie des Anges", "L’ homme imaginé", "La fille de Keltoum", "Western", "Chemins de traverses"...).

Il serait bien difficile de rattacher en quelque manière au flamenco son dernier

opus, "Amor". Il s’ agit pour l’ essentiel d’ un disque de ballades jazzy (à l’ exception de deux boléros, "Vuelve" et "Contigo", et d’ une valse manouche, "Azul"), dont l’ ambiance musicale rappelle plutôt l’ art de certains "songwriters" américains, tel A. J. Croce ("That’s me in the bar", BMG). Bernardo Sandoval est non seulement un compositeur inspiré, mais aussi un excellent parolier, capable comme personne de faire "swinguer" l’ espagnol (nos lecteurs hispanophones pourront apprécier à leur juste valeur les textes reproduits dans le livret ; les autres en seront frustrés : pas de traductions...). L’ interprétation très personnelle de Sandoval, une sorte de "chant murmuré", donne paradoxalement à ses textes une grande intensité, qui suscite immédiatement une écoute attentive et complice, celle que l’ on accorderait aux confidences d’ un ami. C ’est d’ ailleurs une empathie de cette qualité qui l’ unit aux musiciens de son groupe, Guillaume de Chassy (piano),
Joël Trolonge (contrebasse), Jean-Denis Rivaleau (batterie et percussions), et Christian Lechevretel (bugle et trompette).

Un disque rare, d’ une sensibilité à fleur de peau.

Bernardo Sandoval

Claude Worms





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