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A propos du Concours de Cante Jondo de Grenade (1922)

mardi 9 septembre 2014 par Nicolas Villodre

Le dernier spectacle du Ballet flamenco d’Andalousie, "En la memoria del Cante, 1922", dont votre site favori a déjà rendu compte, show grand public programmé par la Biennale 2014 de Séville et sa version parisienne de Chaillot, l’an prochain, est l’occasion de nous interroger sur les objectifs recherchés par les organisateurs du Premier Concours de Cante Jondo de Grenade...
Participants au Concours et membres du jury - Revista Nuevo Mundo, 1922
Le dernier spectacle du Ballet flamenco (...)


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A propos du Concours de Cante Jondo de Grenade (1922)

dimanche 14 septembre 2014

La référence à John A. Lomax me semble très pertinente dans la mesure où elle illustre l’idéologie qui sous-tend au départ la notion même de folklore, le préjugé du Romantisme allemand soigneusement analysé par Henri Davenson dans « le Livre des Chansons » (Cahiers du Rhône 1942) : la croyance en « un art d’illettrés, spontané, impersonnel , originel ».

John Lomax et quelques autres avant lui (Howard Odum, Robert Gordon, Lawrence Gellert…) ont été novateurs dans la mesure où ils se sont intéressés à un folklore spécifiquement américain et à la musique noire, alors que les folkloristes de leur époque ne visaient que la compilation de ce qu’ils considéraient comme une copie, voire une dégénérescence du folklore des îles britanniques - travail qui a abouti à l’ouvrage monumental de Francis James Child.

Mais Lomax demeure lui aussi un homme du XIXe siècle avec les préjugés de sa génération, essentiellement préoccupé par la transcription et la publication des textes de chansons… souvent falsifiés pour la bonne cause, ce que le phonogramme a mis en évidence à partir de 1933. Ce n’est pas avant cette année, postérieure à la Dépression économique et à la sienne propre, qu’il réalise des enregistrements de terrain à l’âge de soixante ans, encouragé pas son fils John. Non pas pour rechercher les sources du blues, musique commerciale dont les folkloristes se désintéressaient totalement, mais selon ses propres déclarations pour « préserver » des chants qu’il estimait en voie de disparition (interview sur l’excellent CD « Jail House Bound » de Mark Allan Jackson, West Virginia University).

Le choix de visiter des lieux réputés isolés de la civilisation était orienté par la croyance en un folklore « pur », et il est arrivé que Lomax remballe son matériel au motif que les chants des détenus ne correspondaient pas à ce qu’il souhaitait entendre. Les faits étant plus têtus que les vues de l’esprit des universitaires, il se trouvait que les fermes les plus isolées n’était pas à proprement parler coupées du monde, et que les détenus condamnés à de longues peines étaient moins nombreux que ceux qui étaient régulièrement libérés et repris. Le plus célèbre d’entre eux, Huddie Leadbelly, avait connu un début de carrière professionnelle avant sa première condamnation, et même s’il a su tirer parti du répertoire rural qui séduisait les intellectuels de Greenwich Village, sa vocation était née de la fascination qu’exerçaient les puissantes basses de boogie-woogie entendues dans les tripots de Dallas.

En 1910, le terme de « blues » commençait à peine à s’appliquer à la musique – en l’occurrence à des marches militaires et à des compositions sirupeuses qui n’avaient rien à voir avec ce que nous désignons aujourd’hui sous ce nom (voir Peter C. Muir, Long Lost Blues, University of Illinois Press). Popularisé auprès d’un public essentiellement afro-américain à partir de 1920, le blues était une musique de danse et de divertissement (une musique « hip », comme m’a dit Elijah Wald) dont la quintessence la plus « folklorique » en apparence, la plus riche et esthétiquement avancée à mon sens, a été révélée exclusivement par l’enregistrement commercial. L’idée d’une musique « ancestrale » dont l’origine se perd dans la nuit des temps n’apparaît que dans les années 1960, dans le sillage du « folk boom », et c’est bien davantage à Alan Lomax qu’à son père qu’on doit la légende d’un Delta mythique qui serait « The land where the Blue began », et la révélation des « hollers » chantés a cappella.

La croyance en une forme de chant « primitif » en amont de toute élaboration formelle est aussi persistante que séduisante, j’ai entre les mains un superbe coffret dénommé « Archivo del cante flamenco » qui commence immanquablement par… des martinetes et des tonas, s’agirait-il d’une coïncidence ?


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