Hommage à Bernarda de Utrera

vendredi 30 octobre 2009 par Claude Worms

Bernarda Jiménez Peña « Bernarda de Utrera » est décédée le 28 octobre dernier, à l’ âge de 82 ans. Elle était née le 5 mars 1927, quatre ans après sa sœur Fernanda (9 février 1923 - 25 août 2006), et était apparentée par sa mère, Inés Peña « Chacha Inés », à la dynastie des Pininis : petite fille de Pinini El Viejo, elle était la cousine de El Perrate et de La Perrata, et donc la tante de Pedro Peña, Juan Peña El Lebrijano, Gaspar de Utrera, Pedro Bacán, El Turronero, Tere Peña…

La carrière de Bernarda est indissociable de celle de sa sœur Fernanda, avec laquelle elle a constamment partagé la scène comme les séances d’ enregistrement. Elle débute en 1946 comme danseuse à la Feria de Séville, accompagnée au chant par Fernanda. Mais, très vite, elle se consacre au cante. Les rôles sont dès lors définitivement distribués : à Fernanda les cantes « fondamentaux » (Soleá, Siguiriya…), à Bernarda les cantes « festeros » (Tangos, Cantiñas del Pinini, et surtout Bulerías). Certains de nos lecteurs se souviennent sans doute encore des fabuleux concerts qu’ elles donnèrent à Paris avec Paco del Gastor en 1987, au cours desquels les deux sœurs appliquèrent, avec quel talent, cette division des tâches (signalons que les deux Cds enregistrés à cette occasion par Ocora, l’ un en studio, l’ autre en public, ont obtenu en 1988 le grand prix de l’ Académie Charles Cros). On retrouve d’ ailleurs cette spécialisation dans la discographie des « Niñas », dès les premiers enregistrements collectifs auxquels elles ont participé entre 1957 et 1967 : « Sevilla cuna del cante », « Canta y baila Andalucía » et « Mairena del Alcor. Festival de Cante Jondo Antonio Mairena ». C’ est sans doute ce qui explique que Bernarda ait été quelque peu éclipsée par sa sœur aînée, jusqu’ à ce que les aficionados découvrent tardivement l’ étendue réelle de son répertoire, grâce à ses deux derniers enregistrements en solitaire (« Ahora » - 2000 ; et surtout « A Fernanda », produit par Tere Peña en 2003)

Mais les « Niñas » avaient auparavant participé au film d’ Edgar Neville, « Duende y misterio del flamenco » (projet de 1948, projeté et primé à Cannes en 1952) : curieusement, c’ est Bernarda qui y chantait une Soleá, accompagnée par les palmas de Fernanda… Malgré les réticences de leur père, José « el de la Aurora », Antonio Mairena parvient en 1957 à faire engager les deux artistes dans le « Cuadro Grande » du tablao madrilène « Zambra », considéré à l’ époque comme un véritable conservatoire du flamenco authentique. Commence alors une carrière madrilène qui se poursuivra jusqu’ au début des années 1970 : après le « Zambra », elles se produiront au « Duende » de Pastoria Imperio et Gitanillo de Triana, au « Corral de la Morería », au « Torres Bermejas », à « Las Brujas »… Elles devront aussi au directeur de la « Zambra », Fernán A. Casares, d’ être engagées pour cinq mois, en 1964, au Pavillon Espagnol de la Foire Mondiale de New York. Il était naturel que les deux cantaoras représentent le flamenco aux Etats-Unis : elles avaient obtenu conjointement, en 1959, le premier prix de Tientos et Bulerías du deuxième Concours National d’ Art Flamenco de Cordoue (Fernanda avait aussi remporté le deuxième prix de Soleá et Polo, derrière Juan Talega).

A partir du début des années 1970, Fernanda et Bernarda reviennent à Utrera, et se consacrent surtout à l’ enregistrement de disques somptueux ( « Fernanda y Bernarda de Utrera : su cante » - 1972 ; « Fiesta en Utrera » - 1974 ; « El cante de Fernanda y Bernarda de Utrera - 1977). Elles se produisent régulièrement dans les grands festivals andalous, à commencer, naturellement, par le « Potaje Gitano de Utrera », et participent à plusieurs reprises à la série documentaire « Rito y geografia del cante flamenco » de la RTVE, produite par José María Velázquez-Gaztelu, qui leur consacre deux reportages monographiques.

Utrera a su reconnaître, de leur vivant, le génie de ces deux extraordinaires artistes : nommées « Hijas predilectas » de la ville, elles y ont d’ ores et déjà une rue et un monument.

Bernarda a reçu de multiples distinctions, telles la « Medalla de Andalucía », la « Medalla del Mérito en el Trabajo », et la « Medalla de Oro de las Bellas Artes. La municipalité d’ Utrera a décrété trois jours de deuil officiel suite à son décès. Bernarda nous pardonnera sans doute de n’ avoir su lui rendre hommage sans l’ associer à sa sœur, elle qui a dédié la dernière plage de son dernier disque (une Soleá – cf : « galerie sonore ») à Fernanda.

Claude Worms

Discographie :

Fernanda et Bernarda de Utrera :

« Sus primeras grabaciones » : RCA / El Flamenco Vive – 2000

« Fernanda y Bernarda de Utrera » : collection « Cultura Jonda, vol. 7 » ; Fonomusic – 1997

« El cante de Fernanda y Bernarda de Utrera » : Hispavox – 1994

« Fernanda et Bernarda de Utrera : cante flamenco » : Ocora / Harmonia Mundi – 1987

« Fernanda y Bernarda de Utrera : cantes inéditos » : Diputación de Sevilla – 2000

Bernarda de Utrera :

« Ahora » : Luna Discos – 1999

« A Fernanda » : Muxxic – 2003

Galerie sonore :

Bernarda de Utrera : Bulerías (guitare : Niño Ricardo) – 1967

Bernarda de Utrera : Tientos (guitare : Eduardo de la Malena) – 1970

Bernarda de Utrera : Soleares (guitare : Pedro Peña) - 2003


Bulerías
Tientos
Soleares




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