Ricardo Modrego & Paco de Lucía (2) : "En la Alcazaba" (taranto)

mardi 5 juin 2018 par Claude Worms

Transcription intégrale des deux parties de guitare de la composition de Ricardo Modrego et Paco de Lucía. Source : "Dos guitarras flamencas en stereo", LP Philips 843 105 PY, 1964.

"En la Alcazaba" est sans doute l’une des pièces les plus remarquables de l’album "Dos guitarras flamencas en stereo", par sa qualité musicale évidemment mais aussi par son intérêt historique.

Nous ne nous aventurerons pas ici dans l’imbroglio des origines du taranto - José Manuel Gamboa vient de lui consacrer un chapitre, savant et très documenté comme toujours, dans le deuxième volume de sa saga new-yorkaise dont nous vous entretiendrons prochainement ("¡En er mundo !. Flamenconautas. 2a parte : El crack de la bolsa y los cracks del flamenco" - Athenaica, Séville, 2017). Nous lui devons une grande part de la chronologie des années 1940 - 1950 (cf. ci-dessous).

Rappelons brièvement que le palo est dès sa première mention officielle associé à la danse : le 13 janvier 1942 à Carnegie Hall, dans un spectacle de Carmen Amaya qui serait donc la créatrice de sa chorégraphie. Si l’on sait que le guitariste qui l’accompagnait n’était autre que Sabicas, nous ignorons tout du compás de cette première officielle, ce que Gamboa ne manque pas de remarquer avec pertinence. Par contre, Rosario et Antonio présentent au théâtre Fontalba de Madrid, le 22 février 1949, un taranto tel que nous l’entendons actuellement, c’est à dire a compás de tango-zambra, qu’ils intègrent d’abord à une suite (petenera / taranto / alegrías / bulerías) pour leur cuadro nommé "Café de Chinitas" (guitariste : Juan García de la Mata), et qu’ils développent ensuite en pièce indépendante jusqu’en 1951 (chant : Manolo Manzanilla). Le compás de tango-zambra pourrait remonter à la fameuse rondeña pour guitare soliste de Miguel Borrull ("La destemplá" - du fait de la scordatura : 6ème corde en Ré et 3ème corde en Fa#) revue et enregistrée par Ramón Montoya en 1927 puis 1936, dont certains épisodes, notamment le "paseo" caractéristique E(7) - D(7) - C#(b2), manifestent effectivement un net penchant binaire.

Dès les premiers enregistrements, les cantes les plus usuels adaptés à ce compás sont :

_ d’une part, une composition de Manuel Torres, enregistrée à deux reprises (1928, Odeón et 1929, Gramófono) par son auteur avec le guitariste Miguel Borrull Hijo - respectivement "Que me den las espuelas...", sous-titré taranta et "A donde andará mi muchacho...", sous-titré rondeña. De la composition pour guitare soliste de Miguel Borrull Padre à la "rondeña" de Manuel Torres accompagnée par Miguel Borrull Hijo, le fil conducteur semble plus que cohérent.

_ d’autre part, la minera de Pedro el Morato ("Soy del reino de Almería..."). D’où le "de Almería" accolé fréquemment à la dénomination de taranto.

A Paris, en 1955, Rafael Romero enregistre avec Andrés Heredia un taranto dont la letra ("Dame veneno..."), devenu un classique du genre, est associée au modèle mélodique de Manuel Torres (LP "Flamenquería", Vogue MC 20.095). A New York, la même année, Carmen Amaya et Sabicas gravent trois cantes, cette fois sous le titre de rondeña : "Dame veneno..." (même letra et même modèle mélodique que Romero), puis "Que de Calaña, calañés..." et "Abre que soy el Moreno..." sur la minera de Pedro el Morato. En 1957, Fosforito intitule tarantos ("de Almería"), pour la première fois en Espagne, deux cantes du programme de son deuxième LP (Philips 421 217 PE - guitare : Juan Serrano) - il suit également le modèle mélodique de Manuel Torres. Ajoutons qu’actuellement, pour terminer de manière brillante, il est courant d’utiliser la levantica d’El Cojo de Málaga en "cante de cierre".

Or, il est remarquable que le taranto en tant que tel ne figure pas dans la très abondante discographie de Sabicas. Si le nom du palo y apparaît deux fois, il s’agit en fait d’une rondeña en 1957, sous titrée taranta ("Recuerdo a Linares" : arrangement en duo de la rondeña de Montoya - Sabicas en mode flamenco sur Do#, capo 2 / Mario Escudero en mode flamenco sur Si, capo 4), puis en 1958 d’une taranta-minera chantée par Domingo Alvarado, accompagnée por taranta avec sporadiquement quelques passages binaires - respectivement : LP "Sabicas and Escudero. Flamenco styles on two guitars", LP Montilla FM 105 ; "Festival gitano. Featuring Sabicas with Los Trianeros", LP Elektra EKS 7149. Pour la guitare, "En la Alcazaba" est donc l’une des premières versions canoniques du taranto (mode flamenco sur Fa#, compás de tango-zambra), qui plus est en duo. Seuls "Carolina" de Perico el del Lunar (EP BAM LD 362, 1959) et peut-être le "Taranto antiguo" gravé par Román el Granaíno pour le Chant du Monde (LP LDX 74367 - années 1960, mais nous ignorons l’année exacte de parution) sont antérieurs. Ricardo Modrego et Paco de Lucía ont sans doute conçu leur composition à partir des accompagnements réalisés pour le ballet de José Greco. Leurs falsetas ont d’ailleurs depuis été régulièrement pillées par d’innombrables guitaristes en manque d’inspiration (mais non de technique) confrontés à des escobillas interminables.

L’année précédente, Paco de Lucía s’était déjà essayé au toque por taranto, pour accompagner son frère Pepe (LP "Los Chiquitos de Algecias. Cante flamenco tradicional" - Hispavox HH 10-218, 1963). En 1969, il récidivera une fois avec Camarón de La Isla et à deux reprises avec Fosforito - respectivement : "El Camarón de La Isla con la colaboración especial de Paco de Lucía" (LP Philips 58 65 026 PY) ; "Selección antológica del cante flamenco. Vol 2" (Belter 22.230) et "Fosforito" (Belter 22.360). Pour le solo, il composera "Viva La Unión" (LP "La fabulosa guitarra de Paco de Lucía" - LP Philips 843 139 PY, 1967) et n’y reviendra plus.

Au cours des années 1970, la plupart des grands concertistes de cette génération nous ont légué une (ou deux dans le cas de Manolo Sanlúcar) composition por taranto : Manolo Sanlúcar avec "Sabor minero" et "Taranto del Santo Rostro" (respectivement : LP "Inspiraciones" - Vergara 7.198-UN, 1970 ; LP "Mundo y formas de la guitarra flamenca. Vol. 1" - CBS S 64660, 1971) ; Victor Monge "Serranito" avec "Presagio" (LP "Virtuosismo flamenco" - Hispavox HHS 10-392, 1971) ; Niño Miguel avec "Ríotinto" (LP "Diferente" - Philips 63 28 206, 1976) ; Enrique de Melchor avec "Candil minero" (LP "La guitarra flamenca de Enrique de Melchor" - Philips 63 28 221, 1977).

Depuis, les tarantos se font rares dans les programmes des concerts et des disques de guitare flamenca soliste. La tendance serait plutôt à conclure des tarantas ad lib. por bulería, ou por soleá por bulería (cf. Génération 80. 2. Gerardo Nuñez).

Voir aussi :

Jerez en fiestas (bulería)

Claude Worms

Román el Granaíno : "Guitare flamenco", LP Chant du Monde LDX 74367, 196 ? / Perico el del Lunar : "Guitariste "flamenco"", EP BAM LD 362, 1959

Transcription (Claude Worms)

Le compás théorique du taranto est identique à celui du tango : un cycle de 8 temps qui peut être écrit sur deux mesures à 4/4, ou à 2/2. La cellule harmonique de base correspond également à celle du tango, soit une séquence II (temps 1 à 4) - I (temps 5 à 8) transposée au mode flamenco sur Fa#, ou "por taranta" : G7 - F#7(b9/11). Mais cette carrure n’est pas toujours respectée pour le cante ou les falsetas de guitare, ni même parfois pour la danse. Il arrive fréquemment que l’on trouve des mesures à 4/4 isolées ("medio-compás"), voire des mesures à 2/4. Seul le balancement binaire est à peu près systématique (sauf pour le cante - beaucoup de tarantos ad lib.). Je me suis donc contenté d’écrire la transcription en 2/4. D’autre part, pour éviter les séries interminables de triolets, certains passages sont écrits en 6/8. Mais la pulsation reste régulière, donc : noire = noire pointée pour toute la partition.

NB : les transcriptions des douze pièces de ce disque remontent à une bonne vingtaine d’années... Vous serez peut-être désorientés par quelques bizarreries d’écriture, en particulier les liaisons entre deux notes ou accords identiques marquées par des parenthèses, dans le but d’aider la lecture d’élèves modérément experts en déchiffrage rythmique.

J’indiquais aussi les attaques butées index, majeur et annulaire par des majuscules (I, M, A), ce que je ne fais plus actuellement.

Guitare 1

"En la Alcazaba" / 1
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"En la Alcazaba" / 3
"En la Alcazaba" / 4
"En la Alcazaba" / 5
"En la Alcazaba" / 6
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"En la Alcazaba" / 8
"En la Alcazaba" / 9
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"En la Alcazaba" / 16

Guitare 2

"En la Alcazaba" / 17
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Galerie sonore

"En la Alcazaba" (taranto)

"En la Alcazaba" (taranto) : composition et guitares : Ricardo Modrego et Paco de Lucía.


"En la Alcazaba" (taranto)
"En la Alcazaba" / 1
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