José Carlos Gómez : "Pasaje andaluz" / Javier Patino : "Deja que te lleve"

mardi 13 août 2019 par Claude Worms

José Carlos Gómez : "Pasaje andaluz" - un CD Amorarte Music, 2019.

Javier Patino : "Deja que te lleve" - un CD Rock CD Records, 2019.

Pour des raisons évidentes de volume et d’équilibre sonores, et sans doute également du fait de la vogue de la guitare classique au XIX siècle en tant qu’instrument "de salon" (pièces pour guitare soliste ou pour voix et guitare), le concerto pour guitare et orchestre symphonique est un genre assez rare, et qui n’a donné que peu d’œuvres de valeur. Les amateurs penseront immédiatement aux deux concertos de Joaquín Rodrigo. Pour notre part, nous retiendrons plutôt ceux de Leo Brouwer (dix...), Abel Carlevaro ("Concierto del Plata", "Fantasia concertante" et concerto n° 3), Antonio Lauro (deux), Mario Castelnuovo-Tedesco (deux, dont un pour deux guitares), Federico Moreno-Torroba ("Concierto ibérico"), Heitor Villa-Lobos (pour guitare et petit orchestre), Manuel Ponce ("Concierto del Sur"), Salvador Bacarisse (concertino), Leonardo Balada ((“Concierto mágico") et Lalo Schifrin.

On notera que beaucoup sont dus à des guitaristes-compositeurs, et se réfèrent à des sources d’inspiration espagnoles ou latino-américaines. Dans ces conditions, il était inévitable que les guitaristes flamencos soient tentés par l’expérience, un peu comme les jazzmen rêvant de jouer avec un orchestre symphonique. La première en date est le "Concierto en flamenco" de Sabicas
(Hispavox HH 10-143, 1961 ; ou Decca DL-10057, 1962). Si elle suit la forme classique en trois mouvements (vif / lent / vif), l’œuvre est cependant marquée par une erreur de conception fondamentale : Sabicas jouait des compositions solistes de son répertoire (fandangos / siguiriyas / alegrías et soleá por bulerías) que Federico Moreno-Torroba s’était contenté d’orchestrer a posteriori, sans éviter les clichés des compositeurs "officiels", volontairement ou non, du régime franquiste - soit la vigoureuse inspiration "nationale" novatrice d’Isaac Albeniz, Manuel de Falla etc. édulcorée en tics d’écriture nostalgiques du "génie de la race". La plupart des compositions pour guitare flamenca et orchestre qui suivirent ont hérité cette erreur originelle. Il s’agit d’ailleurs de pièces orchestrées, et non de concertos (Víctor Monge "Serranito", Paco de Lucía, "Poeta" de Vicente Amigo, "Sinfonia flamenca" de Juan Carmona etc.). Même les incontestables réussites de Manolo Sanlúcar ("Fantasia para guitarra y orquesta", orchestration de Ricardo Miralles - RCA PL-35172, 1978) et d’Óscar Herrero ("Concierto flamenco Verum", orchestration d’Antonio Gómez Schneekloth - Zona Cuatro / Cofrex, 2011), n’échappent pas tout à fait à un processus de création qui limite le rôle de l’orchestre au simple accompagnement de toques préexistants.

De propos délibéré, ou par une intuition aiguë des contraintes du genre, le concerto "Pasaje andaluz" de José Carlos Gómez ne tombe pas dans ce piège récurrent. Il le doit sans doute à sa longue expérience d’arrangeur et de compositeur - que ce soit dans le domaine de la chanson de variétés, pour le Ballet Nacional de España, ou pour Niña Pastori -, qui lui a appris l’art subtil du dosage instrumental. Le succès critique et public de son premier album de guitare flamenca, "Origen", lui a en outre donné une assurance et une sérénité qui l’ont libéré du souci de prouver sa virtuosité technique et son "authenticité" flamenca. L’un des problèmes majeurs d’une conception basée a priori sur des "palos" flamencos est que leurs codes (compases en rasgueados, "llamadas", "remates" etc. procédant par collages plus ou moins cohérents) sont incompatibles avec les règles de la forme classique du concerto, notamment celle du thème / développement. D’autre part, aussi brillantes soient-elles, les falsetas constituent des micro-univers musicaux clos sur eux-mêmes, qui ne s’accommodent pas non plus de processus de développement. C’est pourquoi on ne trouvera aucun "palo" (sauf peut-être quelques lointaines allusions aux compases de la bulería, ou du zapateado dans le troisième mouvement), ni aucune falseta dans "Pasaje andaluz". Il s’agit donc plus d’une œuvre pour guitare andalouse et orchestre (pour l’harmonie, les lignes mélodiques et les tournures rythmiques, avec les "idas "y vueltas" entre les deux rives de l’Atlantique qui en sont inséparables), que pour guitare flamenca proprement dite, même si cette dernière apporte les couleurs sonores qui lui sont propres (techniques de main droite et ligados). En ce sens, si l’on tient à lui chercher quelques antécédents, on les trouvera plutôt dans les deux "concertos flamencos" d’Henri Collet (pour piano et pour violon - 1946) que dans les œuvres de ses collègues tocaores.

La pensée musicale du compositeur est fondamentalement harmonique et rythmique. On en trouvera un exemple significatif dans l’ostinato des contrebasses du deuxième mouvement (première occurrence à 1’18), d’où est issu ensuite un motif mélodique (1’27) qui rappelle subtilement celui du premier mouvement. Le matériau harmonique, et les cellules rythmiques qui lui sont associées, font office de véritables thèmes, et donnent ample matière, non à de simples orchestrations, mais à de véritables développements orchestraux, et donc au dialogue permanent guitare / orchestre qui est le propre du concerto. José Carlos Gómez a trouvé en Miguel Ángel Collado un co-compositeur idéal. Pianiste et arrangeur, il est lui aussi habitué à travailler pour des artistes de variétés et des groupes de rock, de "nuevo flamenco" et de rumba aussi divers que le Vargas Blues Band, La Oreja de van Gogh, Barón Rojo, Mecano, Camela, Triana, David Bustamente, Roberto Carlos, Sergio Dalma, Diana Navarro, Manzanita, Los Chichos, Azucar Moreno etc. - les deux musiciens ont collaboré avec Niña Pastori. C’est dire que Miguel ángel Collado est expert à capter ce qui fait l’originalité de chaque artiste, et à donner une forme claire et efficace à ses idées, par un équilibrage rigoureux des textures sonores et des dynamiques. Sa priorité n’est pas de démontrer une quelconque virtuosité d’écriture, mais de servir au mieux les compositions du soliste, avec l’économie de moyens nécessaire. Pour le concerto de José Carlos Gómez, il a opté pour une division de l’orchestre en petits groupes, essentiellement les cordes divisées en deux blocs aiguës (mélodies et longues nappes harmoniques en notes tenues) / graves (soubassement harmonique et rythmique), avec le renfort des vents pour les crescendos et de lumineuses percées solistes (flûte, hautbois, violoncelle). La précision des coups d’archet des pupitres de cordes de l’Orchestre Symphonique de Bratislava, la qualité de ses solistes et l’acuité de la direction de David Hernando Rico servent au mieux la partition.

L’instrument soliste n’est jamais noyé dans la masse sonore, ce qui donne l’impression que l’orchestre est une extension de la guitare (quant à l’ambitus, au timbre et à la capacité à tenir les notes) dans les deux premiers mouvements, ou à l’inverse que la guitare est une réduction de l’orchestre dans le dernier. Les brefs passages solistes à découvert de la guitare marquent les transitions entre les différentes sections de chaque mouvement, et entre les trois mouvements par des codas de type "cadenza", conçues à l’inverse de leurs homologues des concertos classiques, non comme des occasions de démonstrations virtuoses, mais comme des plages de suspension méditative (souvent rallentando). "Algeciras" (premier mouvement) commence par un accompagnement de pasodoble en La mineur énoncé par la guitare, qui fait office de thème principal (avec cadence andalouse à la dominante). Il porte ensuite une mélodie confiée d’abord à la flûte, développée successivement par un dialogue guitare / orchestre, puis par les cordes sur accompagnement de guitare. La modulation en La majeur (2’16) de l’épisode central transforme insensiblement le pasodoble en tango argentin, sur des harmonies évoquant le style d’Astor Piazzola. Un rallentando s’achevant sur un point d’orgue (4’20 à 4’40) conduit à la reprise du premier thème en La mineur, varié en arpèges par le soliste sur une texture orchestrale impressionniste.

Le deuxième mouvement ("Morelia") est le plus développé de l’œuvre, et comporte trois sections. Le prélude de guitare sur des accords dissonants (Dm7(b5)/F, F9(b5b6), F79(b5) etc.) masque longuement la tonalité de Ré mineur, affirmée ensuite nettement par l’ostinato des contrebasses (cf. ci-dessus), avant le premier motif mélodique exposé d’abord par le soliste, puis développé par des contrechants des bois sur pizzicati des cordes, un beau solo de violoncelle, et enfin à nouveau la guitare, avant un premier crescendo orchestral. L’ostinato rythmique évite à la partition de sombrer dans la joliesse mélodramatique qui menace souvent le mouvement central des concertos pour guitare. A partir de 3’31, un sombre solo de guitare, prolongé par un lento de l’orchestre, fait office de trio. Un violent martèlement de doubles croches de la guitare (4/4 - 5’55), lance la coda, dynamisée par la division des cordes, dont les graves marquent les accents sur le temps et les aiguës les contretemps. Un trait virtuose du soliste en picado amène une brève modulation en Ré majeur (6’38), avant un retour in extremis à la tonalité d’origine (7’26). Le troisième mouvement ("Mar del Sur" - Mi majeur) commence par une belle introduction orchestrale : une scansion motorique des violons d’où émergent des vagues de couleurs sonores changeantes (la mer ?). Le traditionnel mouvement vif du dernier mouvement d’un concerto donne au compositeur l’occasion de mobiliser quelques compases flamencos, essentiellement celui de la bulería (1’05) - avec quelques accents "por guajira") et celui du zapateado (3’46). "Mar del Sur" est aussi la seule partie du concerto comportant un épisode en mode flamenco, en l’occurrence le mode flamenco sur Sol#, "por minera", relatif à la tonalité de référence - de 3’04 à 5’15). Le retour à la tonalité d’origine est marqué par une transposition, dans les graves de la guitare, du motif de l’épisode central. Enfin l’œuvre s’achève, comme il se doit, sur une récapitulation thématique orchestrale.

Claude Worms

Galerie sonore

"Mar del Sur"

NB : nous ne saurions trop féliciter Martin Roller pour l’enregistrement et Rafa Sardina pour le mixage - leur travail est passablement édulcoré par le format Pp3 de l’extrait que nous vous proposons.

"Mar del Sur" (troisième mouvement du concerto "Pasaje andaluz") : composition et guitare : José Carlos Gómez / arrangement et orchestration : Miguel Ángel Collado / Orchestre Symphonique de Bratislava ; direction : David Hernando Rico.


La photo qui orne le recto de la jaquette de "Deja que te lleve" nous montre Javier Patino scrutant sa guitare, comme s’il y cherchait de mystérieuses musiques dissimulées dans les six cordes. Son pas décidé, tel que nous le devinons par la photo du verso, nous suggère qu’il en a trouvé quelques unes. C’était déjà le cas dans son remarquable précédent album, "Oro negro" (2016). Celui-ci est également riche en belles découvertes, à commencer par les trois pièces qui nous semblent les plus originales, que nous ne nous lassons pas d’écouter.

La marche processionnelle "Santo Crucifijo de la Salud" lui a peut-être été inspirée par les adaptations récentes de "Amarguras" (Manuel Font de Anta) pour guitare solo (Rafael Riqueni) ou duo de guitares (Miguel Ángel Cortés et José María Gallardo). Mais nous ne connaissons à cette composition aucun antécédent. Il n’est sans doute pas inutile de rappeler que la sculpture ("imagen") attachée à la confrérie du Santo Crucifijo de la Salud, attribuée à José de Arce, appartient à l’église paroissiale de San Miguel, l’un des hauts-lieux flamencos de Jerez. La pièce, d’un dénuement poignant, est le film musical d’une procession, en noir et blanc et sans images, sur un tempo retenu inexorable marqué par les percussions - son ambiance sonore doit tout autant aux tambours et timbales d’Álvaro Morón Garcia et au tambourin de Raúl Botella qu’à la guitare de Javier Patino. L’effet abyssale de la scordatura de C7M (Do, Sol, Do, Sol, Si, Mi, des graves vers les aigus), inaugurée par Gerardo Nuñez pour une bulería en mode flamenco sur Do ("Los Caños de la Meca", 1987) est ici encore accentué par le choix du mode flamenco sur Si. Le premier thème, sur quelques notes "a cuerda pelá", exploite pleinement la tension provoquée par la dissonnance de seconde mineure entre le bourdon de Do et le premier degré du mode (Si) - elle est encore accentuée par une très brève modulation vers la tonalité homonyme (Si majeur), sur un ligado Ré#-Do#-Si (deux secondes mineures successives : Do bécarre / Do#, puis Do bécarre / Si. L’abîme se creuse ensuite entre l’obscurité du bourdon et la lumière d’arpèges cristallins, à plus de trois octaves de distance. L’épisode central est constitué de longues volutes monodiques (pouce et picado - de 1’53 à 2’13)) qui pourraient figurer le chant d’une saeta, puis d’un nouveau motif arpégé qui conduit à la reprise du premier, sur la même séquence harmonique. C’est tout... et l’on ne saurait mieux dépeindre le recueillement d’une Semaine Sainte débarrassée de tout apparat.

La siguiriya ("Andalucía" et les peteneras ("Cómo una rosa") sont composées pour guitare et trio à cordes (Silvia Romero Ramos, violon ; Ana Valdés Carsí, alto ; Javier Morillas Buendía, violoncelle) - avec les percussions de Raúl Botella pour la première. Les deux pièces s’attachent plus à l’ethos des palos qu’au respect strict de leurs codes traditionnels. Il s’agit donc d’évocations de l’esprit de la siguiriya et des peteneras, comme la marche processionnelle y a réussi pour celui de la Semaine Sainte. Dans les deux cas, ce sont les modulations et leurs couleurs harmoniques mouvantes qui jalonnent le parcours psychologique - celui des "états d’âme" écrirait un critique du romantisme allemand du XIXe siècle. Si la siguiriya commence bien traditionnellement "por medio" (mode flamenco sur La), elle s’oriente rapidement vers un "cambio" inédit en tonalité de Sol mineur (1’20), soulignée par l’insistance sur l’accord de dominante (D7/F#). Après deux accords mineurs (Bbm et Dbm - 1’35 et 1’40) - nous retrouverons ce type d’enchaînement dans les peteneras -, une suspension harmonique sur sur l’accord B7/C fait office de dominante pour une modulation au mode flamenco sur Mi (passage à la serrana, donc), qui lance une brusque accelerando et l’entrée des cordes et des percussions (1’46). Les déferlantes d’arpèges de plus en plus furieuses contrastent avec les contrechants en notes tenues des cordes, avec une dernières modulation en tonalité de Ré mineur, relative au mode d’origine "por medio". Brusquement, ce tissage dense s’évanouit (4’) pour laisser place à une coda apaisée de la guitare seule, avec quelques échos de percussions : bourdon de Ré, quelques notes limpides autour de la tierce de l’accord (Fa première corde), et enfin une suspension sur des harmoniques qui laissent à notre imagination le soin de conclure.

Les peteneras commencent par une longue introduction en Mi majeur, magnifique autant pour ses silences que pour ses harmonies, avant l’entrée des cordes à 2’13. La litanie poignante qui leur est confiée est accompagnée par un "paseo", une série descendante d’accords mineurs, par tons et demi-tons : d’abord Em - Ebm - Dbm - Cm ; puis Bbm - Am. Ce dernier accord porte une modulation au mode flamenco sur Si ("por granaína") par une cadence II-I, C-B, qui lance un long trémolo, au cours duquel les cordes et la guitare semblent ne plus être qu’un seul instrument qui se fond dans le silence après une suspension sur la tonalité relative de Mi mineur (4’04). La guitare solo se lance alors dans une course haletante (attaque butée du pouce et ligados répétitifs qui évoquent certaines pièces de Manolo Sanlúcar), brisée net à plusieurs reprises par des suspensions modulantes (successivement, modes flamencos sur La, sur Do# et sur Sol#), avant de trouver enfin une issue par une reprise du "paseo", cette fois sur un balancement B7 - Em9(13)/B, et l’espoir lointain de deux harmoniques. Deux ultimes dissonances de seconde mineure, Mib/Mi bécarre, puis Ré/ Mib, harmonisées par des accords de Abm(b6) puis Gm(b6) nous ramènent par approche chromatique à l’accord de l’introduction, E9. En écoutant cette coda stupéfiante, nous avons pensé à la scène de "Camelamos naquerar" au cours de laquelle Mario Maya tente de se libérer de ses chaînes.

Bien que de facture moins inouïe, au sens premier du terme, les autres compositions de l’album résultent toutes d’un style solidement affirmé, fondé sur des motifs combinant des arpèges parcourant tout l’ambitus de la guitare à de courtes cellules mélodiques (pouce ou picado) qui génèrent des modulations multiples, par chromatismes ou par enharmonies, soulignées par de brusques ruptures du flux musical (rallentandos, suspensions sur des accords arpégés, points d’orgue etc.). En duo avec le percussionniste Paco González, les tangos ("A dos y tangos" - mode flamenco sur Do, et, nous semble-t-il, même scordatura que pour la marche processionnelle), en sont un exemple non dénué de surprises - un trémolo, insolite dans le contexte de ce "palo". La même signature stylistique est appliquée aux deux bulerías. La première ("Jerez") lui associe quelques "falsetas de pulgar" idiomatiques. La différence de tessiture entre les deux cantaores, d’abord Fernando de la Morena puis Salmonete (modèles mélodiques traditionnels de Jerez), impose une transition modulante du mode flamenco sur La au mode flamenco sur Do (sans scordatura cette fois). Ce dernier, très peu usité, donne une couleur sonore inédite à l’accompagnement de Javier Patino, qui peut y faire une efficace démonstration de sobriété grâce au soutien de José Ramón Salazar (percussions). La seconde ("Deja que te lleve") démontre, en quatuor et sur des contrechants de basse que n’aurait pas désavoués Carles Benavent, que les modulations en cascade ne sont pas incompatibles avec le "soniquete jerezano" - Javier Patino Soto, seconde guitare ; Ricardo Piñero, basse ; Carlos Merino, percussions.

"Pepa" est une jolie ballade ternaire (6/4), qui voyage entre les modes flamencos sur Si ("por granaína") et Mi ("por arriba"), et leurs tonalités respectivement relative (Mi mineur) et homonyme (Mi majeur) - du moins nous semble-t-il, si tant est qu’il soit possible de déterminer des références modales ou tonales dans un tel labyrinthe mouvant - seul José Luis Montón avait su jusqu’à présent élever ces écheveaux modulants à un tel degré d’évidence fluide. Avec son tact habituel, le pianiste Pablo Suárez magnifie les arpèges et le trémolo du guitariste, tour à tour en leur apportant une solide assise dans les basses, en les métamorphosant en lignes mélodiques aériennes, ou en les prolongeant par des contrechants en écho qui se fondent dans les percussions minimalistes de Javier Ruibal. Soulignons enfin la performance vocale de Gema Caballero dans les tanguillos ("Flores"). Après une introduction instrumentale sinueuse à souhait, globalement en Mi mineur, d’abord en duo avec Tino Di Geraldo (percussions), puis en trio (Alberto Artigas, bandurria et laúd), une suspension sur la sous-dominante, Am, conduit à un premier cante en La mineur. Gema Caballero l’interprète dans le style qui lui convient, avec des passages de registre façon Pepe Marchena ou Juan Valderrama. La modulation finale vers la tonalité homonyme de La majeur prélude à un second cante. Il s’agit cette fois d’un tanguillo dans les règles de l’art, chanté avec toute l’exubérance gaditane requise, qui donne à Tino Di Geraldo l’occasion de se livrer à une démonstration polyrythmique éblouissante, et à Alberto Artigas celle de nous régaler de quelques commentaires mélodiques carnavalesques.

"Deja que te lleve" : les contrés musicales explorées par Javier Patino ne sont pas toujours d’un accès facile, mais si vous vous y aventurez avec toute l’attention requise, elles vous le rendront au centuple.

Claude Worms

Galerie sonore

"Santo Crucifijo de la Salud" (marcha procesional)
"Cómo una rosa" (peteneras)

"Santo Crucifijo de la salud" (Marcha procesional) : Javier Patino (composition et guitare) / Alvaro Morón García (tambours et timbales) / Raúl Botella (tambourin).

"Cómo una rosa" (petenera) : Javier Patino (composition et guitare) / Silvia Romero (violon) / Ana Valdés Carsí (alto) / Javier Morillas Buendía (violoncelle).


"Cómo una rosa" (peteneras)
"Santo Crucifijo de la Salud" (marcha procesional)
"Mar del Sur"




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