Génération 80 (4) : José Antonio Rodríguez

vendredi 4 décembre 2020 par Claude Worms

Au milieu des années 1980, les premiers enregistrements de quatre jeunes guitaristes et compositeurs annoncent une nouvelle ère de la guitare flamenca soliste : "Calahorra" (José Antonio Rodríguez, 1985) / "Juegos de niños" (Rafael Riqueni, 1986) / "Aljibe" (Manolo Franco, 1986) / "El gallo azul" (Gerardo Nuñez, 1987). Portraits et transcriptions...

Bien qu’étant le cadet des quatre protagonistes de notre « génération 80 », José Antonio Rodríguez (Cordoue, 1964) fut le premier à enregistrer, dès 1985 ("Calahorra", LP Fonoruz D-126) — Rafael Riqueni et Manolo Franco suivirent en 1986 et Gerardo Nuñez en 1987. Avec les deux premiers, il avait été, l’année précédente, finaliste du premier et unique "Giraldillo del Toque" de la Biennale de Séville.

Après s’être initié à la guitare flamenca à l’académie de Merengue de Córdoba, José Antonio Rodríguez suit à partir de 1982 le cursus spécialisé du Conservatoire Enrique Orozco de Cordoue, sous la direction de son premier professeur titulaire, Manuel Cano. Le style de ce premier album, comme celui du suivant, qui ne tarde guère ("Callejón de las flores", LP Pasarela PSD-6009, 1987), reflète cette formation classique et l’influence de son maître. Nous vous proposons la transcription de la composition de même titre, qui ouvre sa première face. Pour ce zapateado, le choix d’une scordatura chère à Manuel Cano (sixième corde en Ré, cinquième en Sol — cf. notre anthologie de compositions de Manuel Cano dans la rubrique "Compositions pour guitare flamenca" ) est en est un premier signe, confirmé par le plan en quatre parties suivant les modulations canoniques du genre, qui renvoie non seulement à Manuel Cano, mais aussi, par-delà, à une longue tradition de la guitare flamenca de concert : Sol majeur, mode flamenco homonyme (sur Sol), tonalité mineure homonyme (Sol mineur) et retour à la tonalité d’origine pour une conclusion récapitulative qui reprend différents thèmes exposés précédemment.

Il faudra attendre une décennie pour que José Antonio Rodríguez revienne en studio, pour un "Manhattan de la Frontera" (BMG 74321658622, 1999) qui marque une profonde rupture avec les opus précédents, à tel point qu’on a peine à croire qu’il s’agit du même musicien. Le titre de l’album, qui est aussi celui de ses bulerías initiales, est un clin d’œil sans ambigüité au"Flamenco en Nueva York" de Gerardo Nuñez, et l’on comprend que José Antonio Rodríguez ait pris le temps d’apprendre du jazz afro-cubain, de la pop et de la musique électronique comment élargir son vocabulaire musical et collaborer avec des artistes venus d’autres horizons, tels Arturo Sandoval (trompette), David Montoya (claviers), Jesús Lavilla (piano), Manuel Malou (chant) et Joan Albert Amargos, qui signe les arrangements pour les chœurs et est crédité de la composition de deux "ponts", un terme on ne peut plus jazzy. Sur fond de programmations et d’une pléthore de percussions, le programme est tout rythmique, avec deux bulerías, deux rumbas, une soleá por bulería, des tangos et un zapateado. Dès lors, le guitariste-compositeur ne cessera plus d’approfondir ce style dans des circonstances et contextes divers, sur le tempo soutenu d’un nouvel album tous les cinq ans.

"La leyenda" (VillaMúsica VMCD 203, 2003) répond à une commande du danseur-chorégraphe José Antonio Ruiz, pour un ballet en hommage à Carmen Amaya. Avec Rafael de Utrera au cante, l’effectif instrumental est plus réduit que celui du disque précédent, mais implique tout de même violoncelle, basse, claviers et percussions. A l’exception d’une pièce dont les parties de cordes sont écrites par Jesús Bola, José Antonio Rodríguez assume pour la première fois tous les arrangements, s’affirmant ainsi autant compositeur qu’instrumentiste, et pas seulement pour la guitare et dans un idiome flamenco. Il avait commencé à collaborer avec des chorégraphes dès 1988 ("Tiempo, amor y muerte", de Mario Maya), et l’on ne compte plus ses compositions dans ce domaine : entre autres pour Mario Maya à nouveau ("Requiem", 1994), Ramón Oller ("Retrato de la memoria", 1995), María Pagès et Fernando Romero ("El Jaleo", 1997), Joaquín Grilo ("Tiempo", 2003) et Aída Gómez ("Carmen", 2006). Outre Miguel Hermoso ("Lola", 2007) et Antonio Cuadri ("El corazón de la tierra", 2007), Carlos Saura lui a commandé des musiques de film à trois reprises, pour " ¡ Famenco !" (1995), "El séptimo día" (2004) et "Iberia" (2005). La musique de "La leyenda" est sans doute la plus aboutie, et rappelle certaines œuvres de Manolo Sanlúcar, ("Tauromagia" notamment,) dont elle s’inspire pour la quête d’une musique andalouse contemporaine qui ne serait pas que flamenca.

De ce point de vue, "Córdoba... en el tiempo" (Universal Music Spain 0602517317628, 2007) en est la suite logique, avec un instrumentarium similaire auquel s’ajoutent deux saxophones, une flûte et un traitement plus électronique (samplers). Surtout, les concerts font l’objet d’un véritable travail scénographique (danse et lumières) dont témoigne le DVD adjoint au CD, tous deux enregistrés en direct lors de la création de l’œuvre en 2006 au Gran Teatro de Córdoba, dans le cadre du Festival de Guitare de la ville (3 juillet 2006).

Entretemps, José Antonio Rodríguez avait participé en 2004 à une longue tournée de l’auteur-compositeur-interprète Alejandro Sanz ("No es lo mismo"). L’expérience est pour lui nouvelle, dans la mesure où il il doit s’insérer dans un groupe dont il n’est pas le leader et dans lequel il est le seul "flamenco", au service d’une musique qu’il n’a pas conçue. S’il n’a pas enregistré depuis avec Alejandro Sanz, il tire cependant profit de cet apprentissage avec "Anartista" (Warner Music Spain 5310514095, 2012). Le programme de l’album peut être divisé en deux parties : d’une part des compositions flamencas, avec des rumbas (l’une en duo avec Manolo Sanlúcar intitulée "Mixorumba", mode mixolydien de rigueur en ces circonstances) et des bulerías, une farruca et une toná passablement méconnaissable (instrumentaux, sauf l’une des bulerías chantée par Carmen Linares et la toná chantée par Árcangel) ; d’autres part des chansons écrites sur mesure, au plus près de leur propre univers musical, pour des artistes pop ou rock (Mafalda Arnauth, Vanesa Martín, Santiago Auserón, David DeMaría et Antonio Orozco). Basse, batterie, percussions, cordes, claviers, trompette, trombone, saxophone, chœurs, programmations, etc. : José Antonio Rodríguez dans un exercice de variété haut de gamme très réussi, dans lequel la guitare renoue avec son rôle d’instrument d’accompagnement, hors contexte flamenco.

José Antonio Rodríguez a donc déjà une longue expérience de l’orchestre quand il compose un concerto en quatre mouvements, dans lequel on peut à nouveau déceler son admiration pour Manolo Sanlúcar. L’œuvre a été enregistrée lors de sa création au Festival de Guitare de Cordoue, avec l’ Orchestre Symphonique de la ville dirigé par Michael Thomas, mais le disque a été édité par un label de... Los Angeles, Moon Moosic Records, en 2018 ("El guitarrista azul"). Pour le même label, il a repris cette année le cocktail d’“Anartista", avec toujours le même perfectionnisme quant à la réalisation, mais en s’en tenant à notre avis à une confortable routine avec tout le confort moderne, malgré un casting des plus prestigieux : India Martínez, Lari Basilio, Fosforito, El Pele, Miguel Poveda, Pablo López, Gian Marco et John Parr pour nous en tenir au chant ("McCadden Place", 2020).

Claude Worms

Transcription (Claude Worms)

"Calahorra" / 1
"Calahorra" / 2
"Calahorra" / 3
"Calahorra" / 4
"Calahorra" / 5
"Calahorra" / 6
"Calahorra" / 7
"Calahorra" / 8
"Calahorra" / 9
"Calahorra" (zapateado)

Dans la même série :

Génération 80 (1) : Rafael Riqueni — transcription : "El Veleta" (granaína).

Génération 80 (2) : Gerardo Nuñez — transcription : "Piedras negras" (taranta / soleá por bulería).

Génération 80 (3) : Manolo Franco — transcriptions : anthologie de falsetas.


"Calahorra" / 8
"Calahorra" / 7
"Calahorra" / 6
"Calahorra" / 5
"Calahorra" / 4
"Calahorra" / 3
"Calahorra" / 2
"Calahorra" / 1
"Calahorra" / 9
"Calahorra" (zapateado)




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