Rocío Márquez et Fahmi Alqhai : "Diálogos de viejos y nuevos sones"

dimanche 11 novembre 2018 par Claude Worms

"Diálogos de viejos y nuevos sones" : un CD + livret et textes des œuvres en espagnol, anglais, allemand et français / Alqhai&Alqhai, AA010, 2018.

Résumé des épisodes précédents : il y eu d’abord un DVD puis un CD de cante (relativement) traditionnel (Aquí y ahora et Claridad, 2009 et 2012 respectivement) ; puis un hommage au plus "baroque" des maîtres du cante, Pepe Marchena (El Niño, 2014), suivi d’un album expérimental culminant sur trois "suites" convoquant Manuel García, Federico García Lorca, le Liberation Music Orchestra, John Coltrane ou Shostakovich sur fond de musique électronique (Firmamento, 2017). Or, au moment même où elle enregistrait ce dernier disque, Rocío Márquez travaillait avec Fahmi Alqhai (gambiste et directeur de l’ensemble de musique baroque "Accademia del piacere") et Agustín Diassera (percussionniste) sur ce "Diálogos de viejos y nuevos sones" - Maguy Naïmi et moi-même avons eu le privilège d’assister à sa création publique en 2016 lors de la Biennale de Flamenco de Séville (Cf. XIX Bienal de Sevilla).

Eclectisme ? Moins qu’il n’y paraît à première vue. Efforçons-nous de relier ces trois pôles (musique ancienne, musique contemporaine, flamenco) :

_ musique ancienne et musique contemporaine : depuis que les compositeurs "savants" cherchent à échapper au sérialisme dogmatique, nombreux sont ceux qui ont pensé trouver dans le "retour à la tonalité" une voie permettant d’écrire de la musique de notre temps susceptible de renouer avec le public sans céder à la facilité démagogique. C’est le cas notamment des minimalistes et autres répétitifs américains et de leurs nombreux émules, de la fascination exercée par les organa de Pérotin et de l’Ecole de Notre-Dame sur Philip Glass aux références à la musique élisabéthaine d’œuvres composées par Nico Muhly pour les Tallis Scholars ou le Hilliard Ensemble. C’est sans doute la raison pour laquelle les enregistrements confrontant les pièces de compositeurs "anciens" et "contemporains" foisonnent depuis quelques années - parmi les plus récents, signalons par exemple "A Rose Magnificat", du Gabrieli Consort de Paul McCreesh, dans le programme duquel James Mc Millan, Matthew Martin et Owain Park (le benjamin, né en 1993) répondent à Thomas Tallis ou John Sheppard (Signum, 2018).

_ musique contemporaine et flamenco : je ne m’attarderai pas sur une évidence que j’ai déjà traitée maintes fois dans Flamencoweb : certains créateurs flamencos parmi les plus novateurs et les avant-gardes de toutes disciplines entretiennent depuis longtemps de fécondes connivences - La Argentina, Vicente Escudero, Enrique Morente, Franck Martin, Conlon Nancarrow, Mauricio Sotelo, Miles Davis, John Coltrane, Jorge Pardo et plus récemment, pour les musiques électroniques, Diego ’El Kinki ou Daniel Muñoz ("Artomatico")... "y un largo etcetera".

_ musique baroque et flamenco : là encore, j’ai déjà eu l’occasion de souligner les nombreuses homologies entre le langage musical, et les pratiques vocales et instrumentales du flamenco et de la musique baroque. Mais puisqu’il s’agit du cœur même de "Díalogos de viejos y nuevos sones", j’y reviens une fois de plus. On me permettra d’abord d’évoquer une expérience personnelle. Il y a une trentaine d’années, alors que j’enseignais la guitare flamenca dans le cadre des stages de guitare d’Argelès-Gazost, mon voisin de salle était le maître Javier Hinojosa, dont j’ai tant appris sur la musique baroque, les musiques populaires mexicaines, le flamenco... ou Bola de Nieve. Un jour qu’il donnait un cours magistral, dans tous les sens du terme, sur sa transcription de la chaconne de la partita n°2 pour violon de Bach et son interprétation, il fit irruption dans ma salle de cours et me somma de jouer por petenera pour ses élèves, apparemment peu satisfait de la manière dont ils abordaient la partition. Après quoi il eut ce commentaire lapidaire : "tant que vous ne saurez pas jouer ce rythme, vous ne pourrez pas jouer la chaconne". Il faisait évidemment allusion à la fameuse hémiole commune à de nombreuses danses des confins de la Renaissance tardive et du premier baroque et à certains palos (guajira, soleá et dérivés, siguiriya et dérivés, bulería). Cette leçon m’ouvrit de vastes horizons sur la genèse du flamenco, que depuis lors Faustino Nuñez, Norberto Torres ou Guillermo Castro Buendía, entre autres, ont amplement documentée et analysée.

Mais par-delà cette proximité rythmique, la musique baroque et le flamenco partagent bien d’autres aspects techniques et esthétiques :

_ pour le langage musical et ses réalisations instrumentales - pour la guitare (flamenca ou baroque) évidemment, mais aussi pour tout autre instrument, dont la viole de gambe : hiérarchisation et fonctionnalités des degrés de la tonalité ou du mode de référence, ostinatos, progressions par marches harmoniques, diminutions et hémioles régulières ou occasionnelles horizontales ou verticales.

_ si l’on veut bien oublier un instant la question du timbre et des palettes expressives qui leurs sont propres, l’art du "beau chant" (bel canto) baroque et le cante entretiennent de nombreuses affinités : maîtrise du souffle ("jipío"), ornementation virtuose ("rapidez de voz" - Rocío Márquez aura sans doute beaucoup appris en la matière par la fréquentation du répertoire de Pepe Marchena)), legato, messa di voce et "passagi" (pour le cante, inventivité des parcours mélodiques d’une note clé d’un modèle mélodique à une autre) - à ce propos, on pourra lire également la critique d’ un disque de L’Yriade et Cyril Auvity : Barbara ninfa ingrata, Ramée, 2010.

Cependant, on se gardera bien de conclure à une filiation de la musique baroque ibérique au flamenco, les similitudes entre deux genres musicaux, aussi frappantes soient-elles, ne suffisant jamais pour établir, et encore moins prouver, ce type de théories généalogiques. Par contre, il est évident que les musiciens baroques et flamencos, ne serait-ce que par leur leur rapport quotidien au texte musical, qu’il soit écrit ou transmis oralement, sont bien faits pour s’entendre. C’est déjà ce qu’avait expérimenté Fahmi Alqhai et son Accademia del Piacere avec "Las idas y las vueltas. Músicas meztizas", un disque qui associait son ensemble (dont Rami Alqhai) à Arcángel, Miguel Ángel Cortés (un partenaire habituel de Rocío Márquez) et déjà Agustín Diassera, qui à l’époque dialoguait aux percussions avec Pedro Estevan, vieux compagnon de Jordi Savall ( Las idas y las vueltas, Alqhai&Alqhai, 2012).

Cependant, la démarche musicale de ce nouvel album est nettement plus radicale, dans la mesure ou le seul instrument idiomatiquement flamenco est la voix, accompagnée par deux violes de gambe et des percussions. Il s’agit donc d’un dialogue, mené par des musiciens du XXI siècle, des deux résurgences "savantes" de deux "idas y vueltas" (entre les musiques latino-américaines et espagnoles d’une part ; entre des répertoires vernaculaires de danses et leurs stylisations au théâtre et à la cour d’autre part), la première advenue au début du XVII siècle, la seconde dans le dernier tiers du XIX siècle). On le voit, la discographie apparemment éclectique de Rocío Márquez s’avère en fait des plus cohérentes, et le "dialogue" préparé de longue date et mûri en concert depuis deux ans - d’où sa totale réussite.

Par rapport au concert de la Biennale de Séville, l’adjonction d’une seconde viole de gambe enrichit considérablement la palette des couleurs instrumentales. Fahmi et Rami Alqhai multiplient les modes de jeu et leurs combinaisons : jeu à l’archet ou cordes pincées, harmoniques, arpèges, doubles cordes etc. en assemblages divers - solos, monodies sur bourdons et polyphonies. Agustín Diassera est un maître des percussions minimalistes et mélodiques (cf. son duo avec Rocío Márquez pour "La mañana de San Juan"). Sa manière de s’immerger dans les textures sonores et de les innerver par de légers frottements ou des frappes savamment dosées et espacées est parfois si imperceptible et pourtant si intensément présente qu’il nous arrive de l’oublier et que nous ne découvrons qu’il "était là" que lorsque précisément il s’absente momentanément (par exemple pendant l’intermède entre le romance et la petenera de la Niña de los Peines - "Aires de peteneras"). Rocío Márquez a créé une musicalité et une expressivité flamencas très personnelles basées essentiellement sur la variété des timbres vocaux et des attaques et sur de presque-fêlures d’une part ; sur le placement et le cisèlement des textes, du silence à de longs legatos en passant par un parlé-chanté parfois haletant d’autre part. Elle transpose fréquemment avec fluidité l’art de la reprise ornée des arias baroques en termes de vocalité flamenca : les premières cellules thématiques sont exposées sobrement, mais les suivantes sont progressivement enrichies de mélismes conduisant à des désinences legato en longs messa di voce - les mélodies sont ainsi globalement traitées en amples arcs dynamiques crescendo.

La suite en quatre mouvements "Mi son que trajo la mar", qui ouvre l’album, alterne parties instrumentales (marionas et colombiana 2) et vocales (colombiana 1 et zamba) :

_ les marionas sont l’une des danses espagnoles emblématiques de la fin du XVII et du début du XVIII siècles. La plupart des recueils de guitare de l’époque nous en ont légué de nombreuses versions : Lucas Luis de Ribayaz, Gaspar Sanz, Antonio de Santa Cruz, Francisco Gerau et Santiago de Murcia. Les partitions de ces deux derniers présentent une structure en ostinato harmonique sur quatre mesures à 3/4, en Do majeur : |I I I|I V V|VIm VIm VIm|IV V V|. La similitude de la structure des deux premières mesures et des deux dernières suggère en fait une transcription en deux mesures à 6/4. Notons que si le rythme externe est ternaire, la carrure harmonique des deux mesures à 6/4 est binaire, en 4 + 2 - ce qui n’est pas sans rappeler l’accompagnement des fandangos de Huelva... On trouve fréquemment une syncope caractéristique sur le deuxième temps des mesures à 3/4 impaires de chaque cycle.

Santiago de Murcia : marionas

La version de Fahmi Alqhai transpose ce schéma en Fa# majeur et respecte scrupuleusement les règles du genre et les usages des réalisations instrumentales baroques (diminutions de plus en plus virtuoses), mais lui ajoute judicieusement des hémioles binaires sur les cadences (première occurrence à 1’14) et une magnifique et très expressive alternance Fa# mineur / Fa# majeur sur la carrure de l’ostinato : Im - V - Im - IVm - V - I (à 2’08).

_ Rocío Márquez adapte le phrasé de la colombiana à la rythmique ternaire (la colombiana est traditionnellement accomagnée por tango ou por rumba). Sa version part d’une mélodie originale pour se rapprocher progressivement de la composition de Pepe Marchena, qu’elle reprend finalement sur l’estribillo "Ven a mí, cantemos los dos...".

_ le trio instrumental développe le thème de la colombiana en gloses crescendo similaires à celles des marionas. Une longue note tenue suivie d’un glissando descendant assure la transition avec la zamba.

_ le rythme de la zamba argentine sonne comme un lointain écho de la syncope caractéristique des marionas. Ce dernier mouvement, le plus développé de la suite, est articulé par le climax la troisième strophe. Après une entame a cappella, l’ostinato mélodique qui parcourt en diverses métamorphoses les quatre parties accompagne le chant jusqu’aux trois premiers vers de cette strophe ("Qué pena me da / saber que al final / de este amor ya no queda nada"), dont la véhémence vocale "flamenca" contraste dramatiquement avec le parlé-chanté des vers précédents. La suite commence par un duo voix / viole de gambe (fugato en cordes pincées façon J.S. Bach, repris par les percussions), avant que l’accompagnement ne superpose le fugato et l’ostinato mélodique pour conclure sur une reprise, presque à l’identique, de la troisième strophe.

Cette suite peut être comprise comme une sorte de déclaration d’intentions musicales mettant en œuvre les traits esthétiques généraux de ces "dialogues", que j’ai résumés ci-dessus. Je me contenterai donc de décrire brièvement les autres pièces du programme.

_ "Preludio a la bambera" / "Bambera moribunda" : la suite initiale était une illustration musicale des fameuses "idas y vueltas" : Espagne baroque - Amérique latine fantasmée par un cantaor-compositeur (la colombiana de Pepe Marchena) - pampa argentine. Ce diptyque en est une nouvelle illustration musicale. Le prélude fait référence aux apports africains à la genèse des danses baroques ibériques et du flamenco, en un duo percussions - viole de gambe solo dont la sonorité évoque une kora. En contraste, les longues notes tenues dans les graves instaurent un sombre climat pour les bamberas qui vont suivre. Après une introduction de son crû, Rocío Márquez nous livre une version poignante de la composition d’Enrique Morente sur un poème de Sainte Thérèse d’Ávila (tiré de’ "Obsesión", d’Antonio Robledo - LP Not on Label 30-193, 1985), culminant sur les silences glaçants - et très baroques - ponctuant "[...] muero porque no muero", avant de revenir au modèle mélodique de la bambera traditionnelle ("Aquella vida de arriba..."). Un 4/4 vigoureusement martelé accompagne les deux bamberas, contrastant violemment avec la complexité rythmique des intermèdes instrumentaux qui en renforcent le dynamisme : croches puis diminutions en doubles croches, sur un schéma 4/4 + 4/4 :|| 9/8 + 4/4 || 9/8 + 2/4 || 4/4 | 4/4... (bambera).

_ "La mañana de San Juan" est un dialogue chant-percussions dont la finesse et l’équilibre tiennent du miracle. Il s’agit d’une chanson d’origine sépharade, passée dans le folklore d’Alosno - on y décèlera curieusement quelques désinences rappelant celles des bulerías d’Antonio Pozo. Rocío Márquez la chante avec la légèreté et le naturel qui siéent aux jotillas folkloriques (elle s’était déjà livrée cet exercice dans "Infancia", de l’album "Claridad"), avant de conclure par une version virtuose du fandango de Pérez de Guzmán.

_ "Aires de peteneras" : introduction hiératique trouée de silences - cloches et percussions dont l’écho menaçant est ensuite intensifié par les rumeurs souterraines des deux violes, en notes tenues. Le duo de cordes (bourdon pour l’une des violes, "réponses" au chant pour l’autre) obscurcit d’un climat oppressant un premier exorde ad lib. Le texte du romance corrido "de la monja" (premier enregistrement par José de Los Reyes "El Negro del Puerto" - LP "Romance de Bernardo del Carpio", Movieplay 17.1276/0, 1978) surgit ensuite en contrepoint grinçant - et terrifiant- aux vers précédents : "[...] De las llamas del demonio / del abrazo del infierno / libranos Señor...", puis "Mi madre me metió a monja / por heredar de mi dote / Me cogieron entre cuatro / me metieron en un coche / me pasearon por pueblos / a la una, a la dos, y a la tres / me fui yo despidiendo / de las amigas que tengo". L’ostinato ternaire qui entre sur la deuxième partie de la letra (en figuration de "a la una, a la dos, y a la tres" ?) est mué en hémiole pour accompagner l’estribillo traditionnel de la petenera, entonné en vocalises ("Le, le, le..."). Après une glose à "deux violes esgales" de cet estribillo, l’une des letras attachées à la petenera ad lib. de Pastora Pavón tire la leçon des textes précédents ("Quisiera yo renegar de este mundo por entero...") : accompagnements en arpèges et courts traits en cordes pincées, auxquels se superposent par instants de brèves réminiscences de la glose précédente.

_ "A la una yo nací" succède sans interruption à la petenera, l’introduction instrumentale mutant du ternaire à la fameuse "clave" 3/3/2 interne à une mesure à 4/4 (non sans un intermède instrumental à 7/8) : chant allègre et mutin sur un riff dynamique soumis à de multiples variations, entre guaracha et son cubano (ou rumba flamenca). La continuité musicale entre les deux pièces est à l’image de la continuité textuelle, la suite du romance corrido "de la moja" concluant la seconde - pour la letra, non pour la mélodie qui y est greffée. Là encore, la confrontation de deux textes (deuxième et troisième strophes) n’est pas anodine : après ce que l’on peut interpréter comme une allusion à la guerre de Cuba, et d’ailleurs à toutes les guerres, le romance induit une analogie entre la conscription et l’enfermement au couvent : "Yéndome para la guerra / dos besos al aire di : / el uno era para mi madre / y el otro era para para ti" ; puis "Me pararon en la puerta / me metieron para adentro / me quitaron gargantillas / las alhajas de mi cuerpo / Pero yo no siento más / que me cortaron el pelo / y en una fuente de oro / a mi padre se lo dieron" ou comment une musique peut renforcer l’amertume d’un texte en contredisant son ethos.

_ "Si dolce è’l tormento" : il s’agit d’une d’une aria de Claudio Monteverdi publiée dans plusieurs anthologies de compositions diverses (la première à Venise, en 1624 : "Quarto scherzo delle ariose vaghezze") ; en fait, à juste titre, d’un hit baroque enregistré entres autres par Cecilia Bartoli, Anne Sofie von Otter, Magdalena Kožená, Roberta Invernizzi, Raquel Andueza, Philippe Jaroussky, Marco Beasley... ou par le duo Paolo Fresu / Uri Caine. Vous en trouverez quelques échantillons dans notre galerie sonore, et vous pourrez ainsi constater que la réalisation de Rocío Márquez et Fahmi Aqhai prend résolument le contrepied de la plupart des versions existantes. Pour les deux premières strophes en duo, Fahmi Alqhai "contrefait" la guitare baroque, tandis que l’interprétation limpide et volontairement dépouillée de Rocío Marquez mène cette merveilleuse cantilène vers les racines populaires des "nuove musiche" du début du XVII siècle florentin. L’entrée de leurs partenaires sur les deux dernières strophes transforme - avec respect - la mélodie de Monteverdi en une "canción por bulería", accentuant ainsi la veine populaire de la pièce.

_ "Nana sobre "El cant del’s ocells"" : la longue introduction en solo de Fahmi Alqhai s’inspire magnifiquement du "Stylus phantasticus" (Giovanni Antonio Pandolfi, Johann Heinrich Schmelzer, Heinrich Biber etc.) par ses figurations de trilles d’oiseaux, ses doubles cordes dissonantes ou ses violents contrastes de registre, avant d’aborder insensiblement la mélodie de cette berceuse catalane et de nous rappeler ainsi que l’ une des origines de la musique instrumentale savante européenne est la contrefaçon de chants populaires, avec des moyens instrumentaux de type ornementation, diminution… Pau Casals l’adapta d’ailleurs pour le violoncelle, et avait coutume de conclure ses concerts avec elle, en symbole de paix, de fraternité et de liberté. Au cours des deux premières strophes en duo polyphonique voix / viole de gambe, ad lib., Fahmi Alqhai reprend des extraits de son introduction pour l’accompagnement comme pour les intermèdes. Après une ritournelle a compás du trio instrumental, Rocío Márquez conclut, sur la seule strophe en catalan, par une synthèse quintessentielle de la forme fandango : entame rappelant le "Moguer" de Carmen Linares, développement original sur la séquence harmonique traditionnelle des fandangos et coda par une longue vocalise ad lib. entre celle de la granaína d’Antonio Chacón et celle de la malagueña del Mellizo.

_ "Angelitos negros" : ce bolero a été composé par le mexicain Manuel Álvarez Maciste et popularisé par le cubain Antonio Machín. Une ultime "ida y vuelta" donc, et un ultime hommage aux "semillas de ébano" (José Luis Navarro García, Portada Editorial, 1990) qui ont tant apporté aux danses baroques et au flamenco - de la chaconne à la "bulesalsa" - interprétés avec le même tendre respect que l’aria de Monteverdi - la musique bien comprise et bien aimée ignore les hiérarchies de styles. L’accompagnement est un florilège de tous les procédés que nous venons de décrire. Après quoi les quatre musiciens prennent congé par un dernier "le, le, le..." flamenco.

NB : le quatuor donnera prochainement deux concerts en France, le 25 novembre prochain au Théâtre Jean Vilar (Vitry sur Seine) et le 13 février 2019 au Café de la Danse (Paris) - cf. notre agenda).

Claude Worms

PS : si vous ne le connaissez pas encore, écoutez également l’album "Rediscovering Spain", de l’Accademia del Piacere (Alqhai&Alqhai, 2013). Vous ne le regretterez pas.

Galerie sonore

"Aires de peteneras"

"Aires de peteneras" : Rocío Márquez (chant) / Fahmi et Rami Alqhai (violes de gambe) / Agustín Diassera (percussions).

"Si dolce è’l tormento" - version 1
"Si dolce è’l tormento" - version 2
"Si dolce è’l tormento" - version 3
"Si dolce è’l tormento" - version 4
"Si dolce è’l tormento" - version 5

Cinq versions de "Si dolce è’l tormento"

par ordre chronologique d’enregistrement...

Version 1 : Concerto Italiano (direction : Rinaldo Alessandrini) - album "Le passioni dell’anima", Opus 111, 1999.

Version 2 : Paolo Fresu (bugle) et Uri Caine (piano) - album "Things", Blue Note, 2006.

Version 3 : Philippe Jaroussky el ensemble L’Arpeggiata (direction : Christina Pluhar) - album "Teatro d’amore", Virgin Classics 2009.

Version 4 : Anna Sofie von Otter et ensemble Cappella Mediterranea (direction : Leonardo García Alarcón) - album "Sogno barocco", Naïve, 2012.

Version 5 : Rocío Márquez (chant) / Fahmi et Rami Alqhai (violes de gabe) / Agustín Diassera (percussions) - Album "Diálogos de viejos y nuevos sones", Alqhai&Alqhai, 2018.


"Si dolce è’l tormento" - version 1
"Si dolce è’l tormento" - version 2
"Si dolce è’l tormento" - version 3
"Si dolce è’l tormento" - version 4
"Si dolce è’l tormento" - version 5
"Aires de peteneras"
Santiago de Murcia : marionas




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